Le Coquillage (Hugo Roellinger) – Saint-Méloir-des-Ondes
3 étoiles GASTRONOMIE RESTAURANT ÉTOILÉ

Le Coquillage : À Saint-Méloir-des-Ondes, une mer intérieure


Un départ au goût d’écume

Des matins où le vent souffle plus doucement. Des matins où l’on sent que le monde, s’il ne ralentit pas, accepte de nous laisser le précéder. Ce jour-là, nous quittions Saint-Malo à trois : un couple, un enfant, une soif d’émotion. La route vers Saint-Méloir-des-Ondes semblait dessinée pour nous conduire non pas à un repas, mais à une promesse. Celle d’un instant suspendu, d’un voyage immobile, d’un festin qui aurait le goût du sel, du vent, et du souvenir.

Le ciel était d’un bleu doux, presque lavé, et l’air portait encore l’humidité des embruns. À chaque virage, la mer se glissait dans le paysage comme un murmure. Et là, dressée avec discrétion mais sans équivoque : la maison Roellinger. Une bâtisse de granit, sobre et noble, posée comme une vigie sur le Mont-Dol. Le Coquillage. Un nom qui évoque à la fois le rivage et l’intimité. Un écrin. Une chambre d’écho.

Une entrée dans un monde

Dès les premiers pas sur le gravier de la cour, quelque chose s’apaise. Le vent semble différent ici. Il ne pousse pas, il caresse. On entre, et tout ralentit.

L’accueil est feutré. Pas d’exubérance, mais un regard franc, une main posée avec justesse sur l’épaule, un sourire qui n’attend rien en retour. L’équipe est là, présente, entière, presque invisible tant sa discrétion est maîtrisée.

On nous guide vers la salle. De grandes baies vitrées s’ouvrent sur l’infini : la baie du Mont-Saint-Michel, scintillante, vibrante, vivante. On dirait une aquarelle en perpétuelle transformation. Notre fille pousse un petit cri d’émerveillement. Nous aussi, en silence.

Le premier souffle : quand la mer s’invite en bouche

Le début est un murmure iodé. Une bouchée d’algues croustillantes, posée sur une écume légère comme un frisson. Une crème de coquillage, tiède, enveloppante. Déjà, les sens s’éveillent. Les textures jouent, les arômes surgissent et disparaissent comme des vagues sur les rochers.

Un pain maison, encore tiède, arrive. Dense et moelleux. Servi avec un beurre demi-sel fouetté, presque mousseux. Notre fille, concentrée, y plonge les doigts, puis les lèvres. Elle goûte. Elle rit. Nous aussi. On ne se parle pas encore beaucoup, mais on est déjà ensemble dans quelque chose de rare : une écoute commune, une curiosité partagée.

L’entrée : paysages marins en miniature

Une assiette arrive, sculpturale. C’est une huître, mais plus encore, c’est un fragment d’océan. Elle repose sur une gelée de pomme verte, surmontée d’un voile de lait ribot et de fines lamelles de radis. La fraîcheur est saisissante, presque vibrante. Le contraste est parfait. C’est un plat de vent salé et de pluie d’été. Il nettoie, il invite, il ouvre.

Vient ensuite un homard bleu, tiède, posé sur un sabayon au citron noir d’Iran. L’assiette fume légèrement. L’odeur est celle d’un port au petit matin. À la première bouchée, on ferme les yeux. On revoit un quai, un filet qui goutte, un homme qui chante. Chaque plat est une mémoire. Pas la nôtre. Mais celle du chef. Celle de la mer.

Notre fille goûte du bout des lèvres. Elle hésite. Puis recommence. Encore.

Le plat principal : un dialogue avec la profondeur

Arrive un Saint-Pierre, simplement poêlé, posé sur un lit de mousserons et de coques, nappé d’un jus brun aux algues fumées. C’est un plat dense. Sombre et clair à la fois. Une cuisine qui ne triche pas. Qui ne flatte pas. Mais qui dit.

La chair est nacrée, la cuisson parfaite. Il y a de la retenue, mais surtout de la justesse. C’est une cuisine d’introspection. On mange, mais surtout on ressent. L’assiette ne cherche pas à impressionner. Elle invite. À se souvenir. À imaginer. À écouter.

Notre fille, entre deux bouchées, dessine avec son doigt dans la sauce, comme si elle voulait tracer une carte. Peut-être celle de nos émotions.

Une pause qui n’en est pas une

Un granité arrive. À la livèche. Une herbe rare, tonique, presque médicinale. Il est posé sur un sorbet au citron confit. C’est intense. Bref. Vivifiant. On se redresse un peu. On s’étire. On se regarde. On sourit.

Ce n’est pas un interlude. C’est une transition. Comme une bourrasque avant l’éclaircie.

Le moment fort : l’esprit du rivage

Le pigeon rôti est le cœur battant du repas. Il est servi avec une réduction de betterave, une mousseline de topinambour fumé, et un voile de sarriette. C’est un plat terrien dans une maison marine. Et pourtant, il n’est pas dissonant. Il est l’ancrage. Le rappel que l’homme, même face à l’immensité de la mer, appartient aussi à la terre.

Il y a du feu, du sang, de la mémoire. Mais aussi une tendresse profonde. Une écoute. Ce plat-là ne se dévore pas. Il se lit. Comme un poème ancien.

Notre fille mange doucement. Elle parle moins. Elle sent, elle ressent. À trois, nous formons un silence. Un de ceux qui unissent.

La douceur finale : l’écume des souvenirs

Un dessert. Une sphère de chocolat blanc, posée sur une purée de poires infusée à la cardamome. Elle fond sous la cuillère pour révéler un cœur à la crème d’algues et aux zestes confits. C’est à la fois étonnant et familier. Un dessert qui s’éloigne des clichés. Il est comme la fin d’une lettre. On ne veut pas qu’elle s’arrête.

Le café est servi. Il est fort, noir, avec une note de cacao fumé. Il vient avec de petits bonbons aux épices, comme un remerciement discret.

Nous ne voulons pas partir.

Après le repas : rester encore un peu

Nous sortons dans le jardin. La lumière a changé. L’après-midi décline. Mais rien ne semble pressé ici. On s’assoit sur un banc, face à la mer. Elle est là, immense, silencieuse, et pourtant présente à chaque bouchée de notre repas. Nous sommes émus. Pas parce que nous avons trop mangé. Mais parce que nous avons été nourris. Par des mains, des regards, des histoires.

Notre fille court dans l’herbe. Elle rit. Elle reviendra ici, un jour. Peut-être adulte. Et elle se souviendra. De ce goût. De ce vent. De cette lumière.

Nous avons vécu un poème.

Un poème d’algues, de sel, de feu. Et d’amour.


Le Coquillage – Maison de Bricourt
Lieu-dit Le Buot, 35350 Saint-Méloir-des-Ondes
📞 +33 2 99 89 64 76
🌐 www.maisons-de-bricourt.com

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