À Lyon, au cœur du Vieux Lyon, il y’a des lieux qui semblent suspendus dans le temps. Le Cour des Loges en fait partie. Nous y sommes arrivés un matin de printemps, le ciel teinté d’un bleu clair, la lumière douce caressant les pierres anciennes des ruelles pavées. Le tumulte de la ville s’estompe dès que l’on franchit le porche discret de l’hôtel. Les bruits de la rue deviennent des murmures, et le monde extérieur paraît s’éloigner. Nous étions trois : deux amoureux, main dans la main, et notre fille, curieuse, les yeux grands ouverts, prête à absorber chaque détail.
La cour intérieure se dévoile comme un secret bien gardé : des arcades de pierre, des balcons finement sculptés, un jardin suspendu aux couleurs printanières. Ici, chaque élément raconte une histoire. La lumière joue avec les moulures anciennes, caressant les façades, dansant sur les fenêtres. Il y a une magie palpable. L’air embaume légèrement le jasmin et le bois ancien, mélange subtil qui nous transporte hors du temps. La petite, fascinée, pointe du doigt chaque sculpture, chaque statue, comme si elle lisait un livre vivant.
L’entrée dans le monde de la lecture : un premier souffle poétique
Nous franchissons la porte du hall. Immédiatement, un parfum subtil de papier ancien et de cire d’abeille nous enveloppe. Des livres soigneusement disposés ornent des étagères en bois sombre. Certains semblent attendre notre attention, comme des compagnons fidèles. Les textures et les reliures racontent des siècles d’histoires, de secrets, de voix silencieuses qui murmurent dans le calme de l’hôtel.
Nous nous asseyons dans un coin lumineux, près d’une fenêtre qui surplombe la cour intérieure. Notre fille, assise sur nos genoux, explore un livre pour enfants, émerveillée par les illustrations minutieuses. Chaque page tournée est un petit voyage : des animaux qui se promènent dans des forêts imaginaires, des princesses qui traversent des châteaux dorés, des bateaux qui voguent sur des rivières scintillantes. Nous nous laissons emporter par la douce musicalité des mots, leurs rythmes, leurs promesses.
L’instant est suspendu, hors du temps. Le murmure du vent, le léger cliquetis d’une horloge ancienne, tout concourt à créer une atmosphère de concentration paisible. La lecture devient un rituel partagé. Les yeux de notre fille brillent, son sourire s’épanouit. Nous échangeons des regards complices, conscients que ce moment restera gravé dans nos mémoires.
Les saveurs de l’histoire : lecture et émotion mêlées
Puis vient le moment de nous promener dans les couloirs élégants de l’hôtel. Chaque pas résonne sur les dalles anciennes, comme un écho discret de siècles de passages. Des fresques aux teintes chaudes ornent les murs, racontant des récits anciens. On a l’impression que les histoires s’échappent des livres et se déposent sur nos épaules, nous enveloppant d’une chaleur douce et intime.
Nous pénétrons dans le salon principal, un espace vaste mais intime, où des fauteuils en velours invitent à la contemplation. La lumière, filtrée par des vitraux colorés, projette des reflets d’orange, de rouge et de vert sur les tapisseries. Nous nous asseyons, notre fille entre nous deux, et continuons notre exploration livresque. Le murmure de la lecture devient une musique intérieure, un souffle qui unit nos trois âmes.
Un roman ancien repose sur la table basse : couverture de cuir, pages légèrement jaunies, le papier craquant sous nos doigts. Nous tournons les pages à voix basse, partageant des passages choisis, des phrases qui font sourire, réfléchir, rêver. Chaque mot est une caresse, chaque phrase un souffle de vie. Le monde extérieur s’éloigne encore davantage, et nous sommes seuls dans cet écrin de beauté.
L’ivresse des détails : un enfant au cœur du mystère
Notre fille, fascinée par un livre illustré sur les métiers d’autrefois, suit des regards d’artisans, de scribes, de chevaliers. Elle touche les gravures, pointe les silhouettes, répète les mots à sa manière, créant une musique légère de syllabes et de rires. Nous l’observons, émerveillés, comme si elle découvrait un nouveau continent sous nos yeux.
La bibliothèque de l’hôtel est un labyrinthe fascinant. Des volumes de toutes tailles, des étagères jusqu’au plafond, nous entourent. Les dorures des couvertures reflètent la lumière, scintillant comme de petits soleils captifs. Nous feuilletions les livres, laissant notre fille choisir ses préférés, la guidant doucement dans ce monde d’images et de lettres. Chaque livre est un univers à explorer, un rêve à partager, un moment à vivre ensemble.
Le langage des sens : un banquet pour l’âme
Puis, nous rejoignons le restaurant de l’hôtel, un espace où la gastronomie se fait poésie. Les tables sont dressées avec soin, nappes immaculées, couverts brillants, verres scintillant sous la lumière douce des chandeliers. Mais ici, le vrai festin n’est pas seulement dans l’assiette. Il est dans l’odeur des plats, dans la présentation raffinée, mais surtout dans la capacité de chacun à ressentir, à goûter le monde avec tous ses sens.
Les plats se succèdent comme des chapitres d’un roman exquis. Une entrée de légumes croquants et parfumés, une volaille délicatement rôtie, un dessert aux fruits de saison qui explose en saveurs et en couleurs. Chaque bouchée est un mot, chaque assiette une phrase, et l’ensemble forme une histoire savoureuse, que nous lisons avec les yeux et le palais.
Notre fille goûte avec prudence, mais ses yeux brillent de curiosité. Elle rit de surprise devant un granité parfumé, elle répète des mots nouveaux, elle participe à cette exploration sensorielle comme elle participe à la lecture : avec émerveillement, innocence et joie.
Le fil de la tendresse : complicité familiale
Au fil du repas, nous partageons nos impressions, nos émotions, nos découvertes. Les livres, les plats, la lumière, tout se mêle pour créer un récit commun. La complicité se tisse dans les gestes, les regards, les mots chuchotés. La lecture devient un fil invisible qui relie nos trois cœurs, qui donne sens à l’instant.
Chaque rire de notre fille, chaque sourire échangé, résonne comme une note dans cette symphonie douce. Les souvenirs se construisent dans la lumière chaude du Cour des Loges, et nous réalisons que ces moments resteront gravés dans notre mémoire comme des chapitres précieux, intimes, irremplaçables.
La poésie du temps suspendu
Puis arrive le moment de quitter ce lieu enchanteur. La lumière a changé, plus douce, presque dorée. Nous marchons dans la cour intérieure, le pas léger, comme si le monde extérieur n’existait plus. Les pierres anciennes semblent murmurer des secrets, les arcades reflètent le ciel, et chaque regard échangé est une promesse silencieuse.
Notre fille tient fermement nos mains, consciente, sans doute, d’avoir participé à quelque chose de magique. Nous lui racontons des histoires, nous inventons des mondes, et elle écoute avec attention, comme si les murs mêmes du Cour des Loges s’inclinaient pour entendre nos mots.
Chaque détail devient un poème : le frémissement des feuilles, le chant lointain d’un oiseau, le parfum du bois et des fleurs. Tout est lecture, tout est émotion, tout est partage. Et nous savons que nous avons vécu quelque chose d’unique : un moment où la lecture, l’amour et la curiosité se sont rencontrés pour créer un souvenir éternel.
L’ultime regard : un lieu qui demeure dans le cœur
Alors que nous franchissons la porte de sortie, un dernier regard en arrière : la cour, les arcades, les livres, les rires et les murmures. Tout est là, intact, prêt à accueillir d’autres voyageurs, d’autres lecteurs, d’autres familles. Nous partons, mais une part de nous reste suspendue dans ce lieu, comme une note de musique que l’on n’oublie jamais.
Nous reprenons la rue du Vieux Lyon, mais le monde extérieur ne nous semble plus le même. Nous avons goûté à une expérience où chaque instant avait de la valeur, où chaque regard, chaque mot, chaque geste avait un sens. Le Cour des Loges n’est pas seulement un hôtel, ni un restaurant. C’est un écrin pour les sens, un sanctuaire de la
