L’arrivée : un air salin, un regard complice
Il est des jours où le monde ralentit. Des moments suspendus où le tumulte s’efface, comme si le vent lui-même décidait d’adoucir sa course. Ce dimanche-là, un soleil printanier caressait doucement les pavés du port. Les mâts des voiliers dessinaient des arabesques dans le ciel, et les mouettes s’échangeaient des secrets dans l’azur. C’est dans ce décor de carte postale, au Café de Paris, que notre trio s’est arrêté — deux amoureux, main dans la main, et leur fils, petit explorateur aux yeux rieurs.
Le restaurant se dresse en toute élégance, face au port, les grandes baies vitrées laissant filer la lumière, comme une promesse. Sur la terrasse, le linge immaculé des nappes danse légèrement, effleuré par la brise marine. Il ne nous a fallu qu’un pas pour quitter le quotidien et entrer dans une autre temporalité. Celle de l’instant partagé, du regard qui s’attarde, de la fourchette qui frôle l’assiette comme on effleure un souvenir.
Le décor : entre ciel, mer et poésie
À l’intérieur, tout est équilibre. Bois clair, éclats de cuivre, et cette odeur presque imperceptible de pain chaud et d’embruns. Le décor raconte l’histoire d’un lieu sans ostentation, mais riche de mille détails. Un tableau représentant un vieux port, quelques bouquets frais sur les tables, et cette musique feutrée, jazzy, qui habille le silence sans jamais l’envahir.
Nous sommes accueillis avec une douceur rare. Pas d’effusion, juste la juste mesure. Le serveur, élégant sans être distant, se penche vers notre fils, lui offre un petit livret à colorier et quelques crayons. Ce geste simple a la grâce d’une ouverture. Comme si on disait à notre enfant : « Ici, tu es aussi un invité. »
Nous nous installons près de la baie vitrée. Le port s’étale devant nous, vaste tableau vivant où le ciel et l’eau se confondent. À cet instant précis, je me dis que nous sommes exactement là où nous devions être.
L’entrée : premières notes d’un voyage sensoriel
Le temps s’étire avec douceur. Un amuse-bouche arrive : une émulsion de tomate ancienne, relevée d’un soupçon de basilic, sur une crème de burrata tiède. En bouche, c’est un souffle d’Italie, de soleil, de vacances. Notre fils, intrigué, plonge sa petite cuillère. Il goûte, grimace légèrement, puis sourit. Ce petit geste, ce premier accord de saveurs, devient une ritournelle d’été.
Puis vient l’entrée : un carpaccio de daurade royale, agrémenté d’agrumes confits et d’une huile d’olive de caractère. L’assiette est un tableau. Des touches d’orange, de rose, de vert. Chaque bouchée est un éveil. L’acidité subtile des agrumes se mêle à la chair délicate du poisson, et le croquant des grains de grenade ajoute un contrepoint inattendu. Les regards se croisent, un sourire s’échange. Rien n’est dit, mais tout se comprend.
Notre fils, lui, observe. Il goûte, curieux, puis retourne à son dessin. Il alterne entre bouchées timides et coloriages frénétiques. Et dans ce ballet discret, il est là, avec nous, pleinement.
Le plat principal : l’envolée lyrique
Le serveur dépose les plats comme on poserait des vers sur une page. Un filet de bar cuit à l’unilatérale, accompagné d’un risotto aux herbes marines et d’un jus réduit à la citronnelle. L’odeur seule est une promesse. Et la première bouchée… un poème. La peau du poisson est croustillante, la chair nacrée, fondante. Le risotto, parfaitement al dente, diffuse des arômes herbacés, iodés, presque célestes.
Pour notre fils, un petit menu spécialement concocté : filet de volaille bio, écrasé de pommes de terre à l’huile d’olive, légumes croquants. Rien de trop, tout dans la justesse. Il goûte avec sérieux, mâche lentement, comme s’il voulait tout retenir. Et, dans un éclair, tend sa fourchette vers mon assiette : « Je peux essayer ? » Oui, bien sûr. Ce repas, c’est aussi ça. Le partage. L’audace de goûter. L’enfance qui grandit à table.
La parenthèse : un instant de silence
Entre les plats, le temps s’arrête. La mer change de couleur, les voiles se tendent au loin, et nous… nous respirons. C’est peut-être cela, le luxe ultime : se sentir ensemble, sans rien dire, et tout comprendre. L’enfant, rassasié, s’endort presque contre mon épaule. Et nous, les parents, retrouvons ce regard de connivence. Celui des débuts, ravivé par la paix d’un moment rare.
Le serveur nous apporte un granité à la verveine et au citron vert, comme une transition poétique. Une gorgée, et le monde redevient limpide. Les papilles s’éveillent à nouveau, l’appétit de vivre renaît. Nous sommes prêts pour la suite.
Le dessert : une déclaration d’amour
Et quelle suite. Le dessert est une ode à la gourmandise : un dôme chocolat-framboise, posé sur un sablé croustillant, cachant un cœur coulant aux fruits rouges. À l’instant où la cuillère fend la coque brillante, un parfum de fruits éclate. C’est un feu d’artifice, un jardin d’été, un secret d’enfance.
Notre fils se réveille juste à temps. Il rit en voyant le cœur couler. Il goûte, les yeux grands ouverts. Et ce rire-là, cette petite explosion de joie, vaut tous les poèmes.
Nous terminons avec un café, un peu d’amertume douce pour clore ce voyage. Le port s’est assombri légèrement, le soleil joue avec l’horizon. Nous n’avons plus faim. Mais notre cœur, lui, est nourri.
L’après-repas : le souvenir qui s’installe
En quittant le Café de Paris, nous ne sommes plus tout à fait les mêmes. Ce repas, c’était bien plus qu’un repas. C’était un récit. Un chapitre à trois voix. Une promenade entre les mots et les mets. Nous avons goûté à la tendresse d’un lieu, à l’intelligence d’une cuisine qui sait parler bas mais juste.
Le vent nous accompagne jusqu’à la voiture. Et déjà, nous savons que nous reviendrons. Car il y a dans ce lieu une vérité rare : celle qui relie, qui élève, qui murmure à l’âme. Un lieu où le mot « restaurant » retrouve son essence : celle de restaurer, non seulement le corps, mais le cœur.
Le Café de Paris (sur le port)
📍 3 Quai du Commandant Méric, 83110 Sanary-sur-Mer, France
📞 Tél. : +33 4 94 88 00 59
🌐 www.lecafedeparis.fr