L’éveil d’un jour, la promesse d’un instant
Certains jours s’écrivent comme des poèmes. Des jours où l’on ne court pas, où l’on ne remplit rien, où l’on se contente d’être. Ce matin-là, la lumière caressait la baie de Saint-Tropez d’une douceur irréelle. Le vent léger, chargé d’iode et de jasmin, glissait entre les volets entrouverts de notre villa louée pour la semaine. Nous avions décidé, presque sans réfléchir, d’offrir à notre petit trio un moment rare. Une parenthèse. Une offrande aux sens. Un déjeuner au Bagatelle Saint-Tropez.
Notre fils dormait encore, lové contre un coussin de lin blanc. Il avait ce sommeil des enfants qui n’ont rien à prouver, cette paix naturelle qui nous ramène à l’essentiel. Nous l’avons doucement réveillé, ses yeux encore pleins de rêves. Un chapeau de paille sur la tête, il nous a suivis en silence, comme s’il savait que ce jour-là ne serait pas comme les autres.
L’arrivée : un écrin blanc et bleu, suspendu entre ciel et mer
La route longeant les plages de Pampelonne était paisible, presque vide. À l’horizon, les voiles blanches découpaient le bleu profond de la Méditerranée. Et puis, au détour d’un chemin, Bagatelle s’est dévoilé. Comme un mirage immobile. Façade blanche, terrasses en bois clair, parasols écrus qui ondulent au vent comme les voiles d’un bateau prêt à prendre le large.
Un voiturier souriant nous ouvre la porte, une hôtesse au regard lumineux nous guide. Il ne s’agit pas d’un simple restaurant. C’est un lieu de vie. Un souffle. Une respiration. Une élégance sans excès, une générosité naturelle. À peine installés, le murmure des conversations se mêle au clapotis de l’eau et aux premières notes d’un DJ discret. Le décor semble sorti d’un film italien des années 60. Raffiné, solaire, irrésistiblement vivant.
Le temps s’efface : un déjeuner en trois temps, comme une valse
Nous prenons place sous une tonnelle, à l’abri des rayons trop francs du soleil. La table est dressée avec soin, dans une harmonie parfaite de blanc, de sable et de bleu ciel. Une chaise haute est apportée pour notre fils, accompagnée d’un petit coussin rayé, assorti à nos serviettes. Il observe, curieux, attentif. Il comprend que ce lieu est différent. Que quelque chose de précieux est en train de se tisser.
La carte est une invitation au voyage. Les produits sont méditerranéens, frais, sincères. Mais c’est la manière de les raconter qui nous touche : chaque plat semble avoir une histoire, un lien, un secret.
Nous débutons par un tartare de daurade royale, marié à une gelée de citron confit et à quelques billes de concombre croquant. Un éclat de fraîcheur. Une délicatesse absolue. À la première bouchée, c’est comme si le monde s’arrêtait. Nous échangeons un regard, complice, silencieux. Ce n’est pas seulement bon. C’est juste.
Notre fils, lui, dévore de petits morceaux de focaccia tiède, les trempe dans une huile d’olive fruitée, joue avec ses doigts. Il rit. Il est là, pleinement. Présent à chaque geste, chaque goût. Il s’éveille à la beauté du moment.
Le cœur du repas : entre terre et mer, entre nous trois
Le plat principal est une ode au Sud : un loup de mer cuit à la plancha, accompagné de fenouil confit, de tomates cerise rôties et d’un jus au safran. Le poisson est nacré, la peau croustillante, les légumes fondants. C’est un paysage en bouche : le rivage, les collines, la mer, les épices.
Chaque bouchée est une confidence. Chaque silence est plein. Nous parlons peu. Ce déjeuner n’a pas besoin de mots. Nous nous regardons, nous nous souvenons. De ce que nous étions. De ce que nous sommes devenus. De ce petit être à nos côtés qui grandit, qui goûte, qui rit.
Et puis, sans prévenir, un moment suspendu : notre fils, le visage concentré, attrape une cuillère et goûte le fenouil confit. Il fronce un peu les sourcils, hésite… puis sourit. Ce petit sourire fragile, presque timide, qui dit “j’aime”. C’est un instant d’éternité. Nous savons déjà qu’il restera dans nos mémoires comme une première fois.
Le dessert : retour à l’enfance, retour à soi
Le dessert arrive comme une promesse d’été : une pêche pochée au sirop de verveine, servie avec un sorbet maison et quelques feuilles de menthe fraîche. C’est léger, c’est doux, c’est brillant comme un matin de juin.
Notre fils plonge sa petite cuillère dans la chair juteuse du fruit. Il éclate de rire lorsqu’un peu de jus lui coule sur le menton. Nous rions avec lui. Il n’y a plus de montre, plus d’heure. Juste nous. Ensemble.
Le café est servi sur la terrasse, face à la mer. Les yachts dansent au loin. Les serveurs sourient, la musique s’élève doucement. Nous restons là longtemps. À savourer. À laisser le moment s’infuser comme une tisane tiède. Ce déjeuner n’était pas un simple repas. C’était un chapitre de notre histoire.
Le retour : une lumière nouvelle sur notre quotidien
En repartant, notre fils s’endort dans la voiture, le front contre la vitre tiède. Nous, nous échangeons un regard. Ce déjeuner nous a nourris, oui. Mais pas seulement de plats.
Il nous a nourris de lenteur. De silence. De beauté. De lien. Nous avons redécouvert ce que signifie vraiment être ensemble. Être attentifs. Être présents.
Et, en nous éloignant, un dernier regard dans le rétroviseur : Bagatelle, là-bas, toujours immobile. Comme un secret que l’on gardera à trois.
Informations pratiques
Restaurant Bagatelle Saint-Tropez
Plage de Pampelonne – Chemin de Matarane,
83350 Ramatuelle, France
📞 Réservation : +33 4 94 79 83 25
🌐 Site Web : https://bagatelle.com/saint-tropez