Poissonchat
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Poissonchat : une échappée lyrique entre les pages et les saveurs

Une parenthèse enchantée au bord du canal

Parfois, la poésie se niche là où on l’attend le moins. Un coin tranquille, un reflet sur l’eau, une main d’enfant tendue vers un livre. C’est au Poissonchat, entre deux clapotis du canal et les effluves d’un plat qui mijote, que nous avons trouvé ce que les mots peinent à décrire : une bulle hors du temps. Une échappée douce, tissée de littérature, de rires d’enfant et de cuisine sincère.

Il faisait un temps lumineux, ce dimanche-là. Le printemps s’était installé sans prévenir, et l’envie d’ailleurs avait poussé nos pas vers ce lieu au nom tendre et mystérieux. « Poissonchat » : une promesse d’étrangeté joyeuse, de contes partagés, de fantaisie culinaire. Nous sommes arrivés en famille, les yeux encore pleins de la ville, les esprits un peu en vrac. Mais à peine le seuil franchi, le silence s’est installé — un silence heureux, comme dans une bibliothèque, ou dans le cœur battant d’une forêt.

Une maison aux mille histoires

Poissonchat n’est pas un restaurant comme les autres. C’est une maison. Une maison vivante. Les murs sont couverts de livres, de cadres penchés, de dessins d’enfants. Chaque objet semble avoir été posé là par amour. L’espace respire. Il n’y a pas de musique trop forte, pas de discours commercial. Juste des regards qui vous accueillent. Des regards qui disent : « Entrez, ici on lit, on mange, on rêve. »

Notre fille, 5 ans, s’est figée quelques secondes. Puis, comme aspirée, elle s’est approchée d’une grande étagère aux livres multicolores. Elle a sorti un album, s’est assise sur un coussin brodé, et a commencé à tourner les pages comme si elle ouvrait un coffre au trésor. Son père s’est installé près d’elle, tandis que je regardais la salle s’animer doucement. Une famille lisait à voix haute un passage de Roald Dahl. Une grand-mère montrait des gravures à son petit-fils. Et partout, cette même lumière tamisée, ce même parfum de cuisine en train de naître.

L’entrée en matière : un menu qui parle d’âme

La carte de Poissonchat est une ode elle aussi. Pas de jargon, pas d’étalage : des mots justes, des ingrédients limpides, une poésie de la simplicité. Le chef s’inspire des livres pour composer ses plats. Ainsi, ce jour-là, nous avons commencé par une soupe « comme dans Le Petit Prince » : une crème de topinambour, saupoudrée de miettes de noisettes et servie dans un bol de porcelaine ancienne. Douce, mystérieuse, légèrement sucrée. Elle réchauffe, comme un mot tendre chuchoté à l’oreille.

Pour notre fille, une assiette colorée, ludique, toute en textures : petits légumes vapeur taillés comme des étoiles, mousse de betterave servie dans une coquille vide, et des croustilles de carottes posées comme des ailes de papillon. Elle observe, hésite, puis goûte. Et ses yeux s’illuminent. C’est bon. C’est beau. C’est nouveau. Elle pose des questions, s’invente des histoires. Chaque bouchée est un voyage.

Le plat principal : un conte au fond de l’assiette

Puis vient le plat. Mon compagnon a choisi un poisson de rivière — une truite meunière rehaussée d’un beurre citronné, posée sur un lit de lentilles blondes au curcuma. Moi, un mijoté végétal aux senteurs du sous-bois : cèpes, châtaignes, oignons confits, feuilles de sauge. C’est un plat qu’on dirait cueilli au pied d’un vieux roman. Il évoque les repas du Hobbit, les festins d’un camp de gitans en bord de Loire, les dîners d’hiver chez un écrivain oublié.

Nous mangeons lentement. Les saveurs murmurent. La truite fond dans la bouche, les lentilles ont un parfum presque sucré. La cuisine ici ne cherche pas à briller. Elle veut raconter. Et elle le fait avec une justesse rare.

Notre fille, elle, reçoit une assiette surprise : un petit gratin d’épeautre, servi dans une coque de potimarron, accompagné d’une salade de pommes et de pousses de radis. Elle goûte tout. Et rit. Parce qu’à Poissonchat, on peut manger avec les doigts si on veut. Parce qu’ici, on respecte l’enfance. On la célèbre même.

Une pause sucrée, entre page et paysage

Avant le dessert, nous sortons quelques instants dans la petite cour. Là, un banc. Un figuier. Un chat qui dort. Et des livres, encore. Des albums suspendus aux branches, comme dans un rêve de Miyazaki. Nous feuilletons ensemble un ouvrage illustré sur les oiseaux du canal. Puis nous rentrons. Le dessert arrive.

Et quelle arrivée. Une île flottante revisitée façon nuage de barbe à papa, posée sur une crème anglaise au thé fumé. Une œuvre. Notre fille, elle, reçoit un gâteau moelleux en forme de chaton, accompagné d’un coulis de fruits rouges versé en pluie par la serveuse, sous ses yeux émerveillés.

À ce moment-là, quelque chose se suspend. Nous ne parlons plus. Ou alors à voix basse, comme dans une cathédrale. Le temps n’existe plus. Il n’y a que cette communion douce entre l’enfant, les mets, les livres et l’instant.

Et après ? Une caresse du monde

Le café est proposé avec un choix de lectures : un poème de Prévert, une nouvelle de Colette, un extrait de Petit Bleu et Petit Jaune. Nous choisissons ensemble. Et pendant que le café infuse, nous lisons à voix haute, notre fille calée contre moi. Le monde pourrait s’arrêter là. Nous serions comblés.

La patronne passe nous saluer, douce et discrète. Elle nous parle de ses coups de cœur littéraires, des produits qu’elle va chercher au marché. Ici, chaque détail est une intention. Et chaque intention est un pas vers l’autre.

Nous sortons doucement. Le canal miroite. L’enfant court un peu, puis s’arrête, lève les yeux et dit :
— « On revient demain ? »

Et dans son sourire, je reconnais ce que je ressens moi aussi : cette journée ne s’effacera jamais. Elle restera gravée dans nos souvenirs comme une page qu’on relira encore et encore.


Poissonchat
📍 12 quai de la République, 07100 Annonay
📞 04 75 67 89 32
🌐 www.poissonchat.fr

Un lieu, un poème, une table. Un souffle de beauté dans le quotidien.

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