L’aurore, un souffle chaud sur le désert
Petra – La Cité Rose de Jordanie : Ce matin-là, le ciel s’ouvrait avec douceur, comme une main entrouvrant un livre ancien. Les premières lueurs de l’aube caressaient le sable et réveillaient lentement les reliefs endormis de la Jordanie. Nous roulions en silence, bercés par le ronronnement du moteur, traversant les plaines désertiques de Wadi Musa, enveloppés d’un sentiment rare : celui de partir vers un lieu qui allait changer quelque chose en nous.
Notre fille, blottie entre nous à l’arrière du 4×4, observait les dunes d’un regard émerveillé, ses petites mains plaquées contre la vitre. Elle ne savait pas encore ce que Petra représentait, mais elle en sentait déjà le mystère. Quant à nous, nous avions lu, regardé, imaginé… Mais rien ne pouvait nous préparer à ce qui allait suivre.
Le Siq : une entrée comme une promesse
L’entrée de Petra ne se fait pas sans rite. Il faut marcher. Il faut attendre. Il faut laisser les bruits du monde moderne derrière soi.
Nous pénétrons dans le Siq, ce long canyon étroit qui serpente entre deux falaises ocre, comme une entaille géante dans le cœur du désert. Le silence y est presque religieux. Les parois, hautes de plus de 80 mètres, dansent avec la lumière. Par moments, le soleil s’y glisse, déchirant l’ombre d’un rayon doré, comme un projecteur naturel sur les détails oubliés du monde.
Notre fille tend la main vers les parois, frôle la roche millénaire. Ses petits doigts touchent l’histoire. Nous marchons lentement, main dans la main. Chaque pas est un mot, chaque respiration un vers. Petra se lit comme un poème, mais à voix basse, comme un secret partagé.
Le Trésor : l’apparition d’un miracle
Et puis, sans prévenir, elle surgit. Comme une apparition.
Le Khazneh. Le Trésor.
Nous nous sommes arrêtés net. Aucun mot ne pouvait sortir. Devant nous, la façade rose sculptée dans la pierre, haute de près de 40 mètres, surgissait du roc comme un songe. Ciselée avec une grâce infinie, elle semblait flotter entre ciel et sable. Les colonnes, les chapiteaux, les statues mythologiques… tout semblait intact, figé dans une éternité minérale.
Notre fille, saisie par la beauté de l’instant, s’assit dans le sable. Elle ne disait rien. Et nous, le souffle coupé, nous avions l’impression de retrouver quelque chose. Une mémoire ancienne. Une émotion enfouie. Le Trésor ne portait pas ce nom pour rien. Ce n’était pas de l’or. C’était bien plus rare : une émotion brute, pure.
L’errance douce parmi les tombes et les temples
Nous avons continué notre marche, lentement, comme on tourne les pages d’un roman précieux. Chaque recoin de Petra est une strophe, un éclat, une histoire silencieuse.
Le Théâtre romain, avec ses gradins en arc de cercle, semblait encore résonner des rires d’anciens spectateurs. Le Tombeau des Obélisques, étrange et majestueux, veillait sur la vallée avec une solennité douce. Et partout, cette pierre rose, changeante, qui selon la lumière devenait orangée, dorée, violette, presque vivante.
Notre fille courait devant nous, riant, sautillant. Elle s’arrêtait parfois, fascinée par un scarabée noir ou un oiseau couleur saphir. Elle n’avait pas besoin d’explication. Elle comprenait à sa manière. Petra lui parlait, directement, dans un langage d’enfant. Un langage que nous, adultes, avions peut-être perdu.
Le Monastère : l’ascension vers le ciel
Il a fallu grimper. Plus de 800 marches taillées dans la roche, sous un soleil généreux, pour atteindre le Monastère – Ad Deir, le joyau caché de Petra.
Notre fille sur les épaules de son père, moi tenant sa petite gourde d’eau, nous avons monté ces marches comme on grimpe une montagne intérieure. Il y avait des pauses, bien sûr. Mais il y avait surtout de la joie. Celle d’être ensemble, liés par cette aventure.
Et soudain, il était là. Plus massif, plus simple, mais tout aussi sublime que le Trésor. Le Monastère, dressé sur le plateau, semblait surveiller le désert tout entier. Nous nous sommes installés à son pied, à l’ombre. Le vent soufflait doucement. Le silence était total.
C’est là que nous avons pique-niqué. Des dattes, du pain plat, un peu de fromage local. Et l’instant s’est étiré. Comme suspendu dans l’éternité. Notre fille, assise entre nous, mâchait lentement, les yeux fixés sur cette façade antique. Et moi, je me disais que jamais je n’oublierais ce moment. Qu’il resterait, à jamais, gravé quelque part en moi.
Une sortie comme un murmure
Quand le soleil a commencé à décliner, nous avons repris le chemin du retour. Le désert se drapait d’or, la lumière devenait plus tendre, plus intime.
Petra derrière nous, semblait s’éloigner comme un rêve qui se dissipe au réveil. Mais ce rêve-là ne s’éteindrait pas. Il continuerait de vivre en nous. Dans les yeux de notre fille, dans nos souvenirs partagés, dans ce lien subtil que l’on tisse quand on découvre ensemble quelque chose de plus grand que soi.
Nous avons quitté la cité rose en silence. Pas un silence triste. Un silence plein. Riche. Dense. Comme après un poème qu’on ne veut pas tout de suite expliquer.
Une parenthèse d’éternité
Il est des lieux qui ne se visitent pas. Ils se vivent. Ils vous traversent. Petra est de ceux-là. Elle n’est pas seulement un site archéologique. Elle est une expérience. Un souffle ancien. Un murmure de pierre.
Avec notre enfant, nous y avons trouvé bien plus que de la beauté. Nous avons trouvé une manière d’être ensemble, autrement. Une forme d’écoute. Une lenteur précieuse. Une émotion partagée, sans besoin de mots.
Dans ce désert jordanien, sous ce ciel immense, au creux de ces canyons brûlés de lumière, nous avons eu le sentiment rare d’exister pleinement.
Petra n’est pas un lieu à voir. C’est un lieu à lire. Avec les pieds, avec les yeux, avec le cœur.
Et chaque pas posé dans son sable, chaque regard levé vers ses colonnes, chaque pierre touchée, écrivait en nous un vers nouveau. Un vers d’amour. Un vers de famille.
Un vers d’éternité.
Petra – La Cité Rose de Jordanie
Wadi Musa, Ma’an Governorate, Jordanie
Coordonnées GPS : 30.3285° N, 35.4444° E
Ouverture : Tous les jours de 6h à 18h
Tarifs variables selon la durée de séjour en Jordanie
Site officiel : www.visitpetra.jo