Maison Lameloise – Chagny
3 étoiles CHAGNY DESTINATIONS FRANCE GASTRONOMIE RESTAURANT ÉTOILÉ

Maison Lameloise, à Chagny : une symphonie à trois voix

L’arrivée : un voyage vers l’essentiel

Il y a des moments dans la vie où le temps décide de ralentir. Où tout ce qui fait bruit et vitesse se tait soudainement pour laisser place à une autre musique : celle du silence, du regard, du partage. Ce dimanche-là, à Chagny, en Bourgogne, nous sommes partis à trois. Un couple, un enfant, une promesse de bonheur simple. Nous ne savions pas encore que ce déjeuner à la Maison Lameloise allait nous bouleverser.

La route jusqu’à Chagny est une balade en soi. Les vignes dorment sous un ciel pâle, les villages s’égrainent comme des perles anciennes. L’enfant à l’arrière joue avec les reflets de lumière sur la vitre. Il ne parle pas. Il observe. Et nous aussi. Nous sommes déjà dans un autre monde.

Lorsque la silhouette de la Maison Lameloise se détache enfin, discrète et imposante à la fois, on comprend que l’on entre ici dans un lieu de mémoire, de savoir-faire, de générosité. Une maison trois étoiles, oui. Mais surtout une maison de cœur. Car c’est ainsi qu’elle nous accueille.

L’accueil : une élégance sans apprêt

Dès l’ouverture de la porte, quelque chose se passe. Un calme, une chaleur, un raffinement qui ne cherche pas à séduire mais simplement à être. L’équipe nous accueille avec une attention délicate. Une main posée sur l’épaule, un regard qui rassure, une voix douce pour notre petit garçon. Il a quatre ans, des yeux ronds de curiosité, et l’énergie d’un printemps entier. Ici, il n’est pas “en trop”. Il est attendu, reconnu, accueilli.

On nous installe dans une salle baignée de lumière, habillée de teintes beiges et brunes, bois nobles et étoffes soyeuses. La table est dressée comme une promesse. Chaque couvert est une attention, chaque détail une poésie discrète. Il y a une chaise haute, bien sûr, mais aussi un petit coussin pour le dos, une serviette pliée comme un origami, et un menu spécialement conçu pour lui. Notre fils sourit. Nous aussi.

L’entrée dans le rituel : la cuisine comme langage

Le silence se fait presque naturellement. C’est une respiration partagée. L’enfant, d’ordinaire si volubile, s’apaise. Il sent que l’instant est précieux. L’amuse-bouche arrive, tout en finesse : une corolle de betterave et crème de raifort, un biscuit au parmesan, une mousse de volaille fumée. Des couleurs tendres, des textures fines, des parfums qui murmurent. Notre fils hésite, puis goûte. Et s’illumine.

Chaque bouchée ici raconte une histoire. Ce n’est pas une cuisine qui crie. C’est une cuisine qui parle bas, à l’oreille, à l’âme. Le pain, servi encore chaud, accompagné de beurres d’Échiré nature et aux algues, est déjà un voyage. Notre petit en redemande. C’est une entrée dans le monde du goût. Et dans celui du lien.

L’ascension : la cuisine comme émotion

Le premier plat arrive. Saint-Jacques de plongée, à peine saisies, posées sur un risotto de céleri rave, zeste de citron confit, écume de lard fumé. À la première bouchée, le temps s’arrête. La tendresse de la Saint-Jacques, la note racée du lard, la vivacité du citron… tout s’accorde, se répond, se prolonge. C’est un poème.

Notre fils, intrigué, demande à goûter. Un tout petit morceau. Puis un autre. Il ferme les yeux. Il mâche lentement. Comme si, lui aussi, comprenait. Cette assiette, c’est une invitation à ressentir, à ralentir, à écouter.

Le plat suivant est un hommage à la terre : pigeon d’Anjou rôti, farci d’un condiment à l’olive noire, carottes fanes en textures, jus réduit au cacao. C’est intense, vibrant, profond. L’enfant préfère sa purée fine et son filet de volaille moelleux. Mais il goûte une carotte, la mâche, et dit : “C’est doux.” Il ne sait pas encore mettre des mots, mais il sent. Il entre, sans le savoir, dans le langage secret de la grande cuisine.

L’instant suspendu : un dessert comme un éclat d’enfance

Vient le temps du fromage, où l’on nous propose un Comté affiné 36 mois, une tome de brebis crémeuse, un bleu de Gex délicat. Le tout accompagné de pain aux fruits secs, de chutneys maison, et d’un silence d’église. Nous échangeons peu. Nous sommes dans l’épure du moment.

Puis, le dessert. Une sphère légère à la poire, mousse vanillée, cœur coulant au caramel, posée sur un sablé croustillant. La sphère se brise sous la cuillère. Notre fils pousse un cri de joie, comme s’il venait d’ouvrir un trésor. Il plonge sa cuillère, en ressort une bouchée généreuse, la porte à ses lèvres. Il rit. Nous aussi. Ce dessert est une danse. Une douceur qui éclaire. Une réminiscence d’enfance.

Le café : une fin sans fin

Le café est servi dans le salon. On nous propose une sélection de mignardises : guimauves maison, macarons, tuiles croquantes, pâte de fruit à la framboise. Nous les picorons à trois, comme un jeu. Il n’y a plus de table, plus de service, plus de rôle. Il n’y a que nous. En famille. Reliés.

Le chef vient saluer. Il s’agenouille devant notre fils, lui demande s’il a aimé, lui parle comme à un égal. Il écoute. L’enfant dit oui, les yeux brillants. Il a compris. Il a ressenti. Ce n’était pas juste un repas. C’était un moment. Une parenthèse. Une histoire d’amour et de transmission.

L’après : une trace en nous

Nous repartons en silence. Le soleil de Bourgogne éclaire doucement les pavés. Notre fils s’endort dans la voiture. Sa main serre encore un petit morceau de tuile oubliée. Nous roulons lentement, comme si quitter ce lieu trop vite était une trahison.

Ce déjeuner ne fut pas seulement un acte de gastronomie. Il fut une ode. À la lenteur. À l’enfance. À la beauté. À l’amour aussi, car c’est bien cela, au fond, que cette maison incarne. Un lieu de passion, de geste juste, de mots rares mais vrais. Un lieu où l’on se rappelle que manger peut être un acte d’émotion, un moment de lecture intérieure, une déclaration.

Maison Lameloise ne nous a pas simplement nourris. Elle nous a faits plus présents, plus vivants, plus reliés. Et dans un monde de bruit, ce don-là est immense.


Restaurant Maison Lameloise
36, place d’Armes
71150 Chagny, France
Téléphone : +33 (0)3 85 87 65 65
Site web : www.lameloise.fr

Vous pourriez également aimer...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *