Le début d’une parenthèse enchantée
Il est des lieux qui ne se racontent pas, ils se murmurent, comme des poèmes anciens. Nous avions quitté les bruits du monde, les rumeurs mécaniques, le béton brûlant de la ville, pour suivre le vent salé de la Méditerranée jusqu’au bout d’un cap lumineux : Saint-Tropez. Là-bas, dans une élégance discrète, La Vague d’Or Cheval Blanc attendait. Promesse tenue d’un voyage sensoriel. Un abri pour les âmes en quête de beauté.
Nous étions trois. Deux amoureux aux cœurs pleins de gratitude, et notre enfant, curieuse petite flamme de deux ans. Dès les premiers instants, quelque chose de doux nous enveloppa. Le port s’effaça. La foule aussi. Ne resta que ce souffle, presque sacré, du Sud et de son mystère. Cheval Blanc se tenait là, immobile et vivant à la fois, comme une page blanche que nous allions écrire à trois mains.
Une arrivée comme un prélude
Les marches sont silencieuses. Le personnel aussi. Non par absence, mais par cette grâce rare qu’ont les grandes maisons : elles lisent entre les gestes. Ici, tout est mesure, délicatesse, intention. L’hôte ne s’impose jamais. Il suggère. Il ouvre une porte sans bruit, soulève une cloche avec révérence, vous regarde comme si vous étiez un chapitre unique.
On nous installe en terrasse, face à la mer. Le ciel est vaste, le vent tiède. Sur la table, le blanc du lin répond à celui des embruns. Notre enfant rit en voyant les goélands danser au loin. Nous, nous nous taisons. Comme devant une œuvre qui commence.
Une mer d’amuse-bouches
Le premier contact n’est pas avec la nourriture. Il est avec le lieu. Le temps y ralentit, presque arrêté. On entend le silence entre deux vagues, le froissement discret de la nappe, le balancier régulier du soleil.
Un premier amuse-bouche arrive. C’est un souffle d’olive noire, une perle de tomate confite, un sablé au thym. Trois bouchées comme des notes de musique. L’enfant observe. Elle imite. Elle goûte. Un petit sourire naît au coin de sa bouche. Nous nous regardons, émus. Ce n’est pas qu’un repas. C’est une rencontre.
L’entrée : le verbe devient chair
Arrive une langoustine rôtie, posée avec une précision d’orfèvre sur un lit d’herbes de Provence. Autour, un bouillon clair, presque translucide, distille les parfums du Sud : romarin, fenouil, citron. La chair est tendre, nacrée. Chaque bouchée est un souvenir. L’odeur du jardin en été, le bruissement d’un marché, une sieste à l’ombre.
Notre fille plonge une petite cuillère. Elle goûte. Et redemande. Il y a chez elle, ce jour-là, une attention nouvelle. Comme si elle comprenait, malgré son jeune âge, que ce moment était rare.
Le plat principal : une ode terrestre et marine
Le Saint-Pierre, bijou des mers, arrive doré, reposant sur un lit de courgettes violon et d’artichauts poivrades. Une fine écume au citron confit vient lier le tout. Rien ne crie, tout murmure. Le poisson est cuit à la seconde près. La peau, croustillante. La chair, fondante.
Nous échangeons peu de mots. Nous échangeons des regards. Ce que nous vivons est indicible. Le Sud, ici, n’est pas décoratif. Il est dans l’assiette, dans l’air, dans les gestes du service. Une cuisine du paysage, du vent, du silence.
Notre enfant, avec sa petite main, trempe un bout de pain dans la sauce. Elle ferme les yeux. Peut-être est-ce le goût de la mer, ou celui du souvenir à venir.
Une pause givrée, suspendue
Avant la suite, une glace au basilic et au citron vert. Pureté. C’est un souffle de mistral dans un jardin en feu. Une transition comme un poème en vers libres. On respire. On sourit. On regarde la mer.
Elle aussi, notre enfant goûte. Une grimace d’abord, puis un éclat de rire. La surprise. L’acidité. Le végétal. Un monde nouveau sur sa langue.
Le moment fort : l’agneau de lait aux mille tendresses
Voici l’agneau de lait, fondant comme une caresse, accompagné d’un jus court à la lavande, de mini-légumes confits, de pois chiches à la fleur d’oranger. On n’ose presque pas couper. Puis on goûte… et le temps s’arrête. Le silence devient musique. C’est un plat de mémoire, de terre aimée, de savoirs transmis.
Notre fille est tranquille. Elle observe nos gestes. On lui tend un morceau. Elle le prend, le garde un instant en bouche, puis dit simplement : “encore”. Comme un mot sacré.
Le dessert : un éclat d’enfance
Le chef pâtissier a imaginé un dessert comme une île flottante de sensations : une sphère en sucre soufflé, à briser du bout de la cuillère. À l’intérieur : une mousse légère à la vanille de Tahiti, un coulis de fruits rouges, une fine gelée de jasmin.
Notre fille applaudit en voyant la sphère se fendre. Nous aussi, intérieurement. C’est beau, c’est bon, c’est vivant. Un dernier feu d’artifice pour l’âme et le palais.
Le temps après : suspendu à jamais
Le café est servi sous les pins parasols. On ne veut pas partir. Le personnel ne nous presse pas. Ils savent. Ils ont vu, compris, deviné. Ce moment à trois, ce poème que nous avons écrit sans le savoir.
Nous repartons lentement. Un dernier regard sur la mer. Une promesse intérieure de revenir. Pas pour manger. Pour revivre. Car à La Vague d’Or, on ne dîne pas. On vibre.
Une adresse hors du temps
Il est rare, très rare, de vivre une telle parenthèse. À La Vague d’Or, tout est juste, tout est beau, tout est simple. C’est plus qu’un restaurant : c’est un lieu de passage entre la terre et le rêve. Une ode à la lenteur, à l’amour, à la transmission.
Nous sommes partis avec dans le cœur un goût salé, un parfum d’herbe chaude, une lumière d’été. Et surtout, cette sensation rare d’avoir touché quelque chose d’essentiel. En famille. Ensemble.
Informations pratiques
Restaurant La Vague d’Or – Cheval Blanc St-Tropez
Adresse : Plage de la Bouillabaisse, 83990 Saint-Tropez, France
Téléphone : +33 4 94 55 91 00
Site Web : https://www.chevalblanc.com/