Kinugawa
DESTINATIONS FRANCE GASTRONOMIE RAMATUELLE

Kinugawa à Ramatuelle : un poème en trois souffles

L’arrivée : une route vers l’instant suspendu

Il est des jours qui se déroulent comme une page d’un vieux roman japonais. L’encre du ciel est bleue, le silence des collines apaise. Ce matin-là, nous avons quitté la frénésie du bord de mer. Saint-Tropez s’efface dans le rétroviseur, avec ses yachts et ses airs de fête perpétuelle. La route se love dans les pinèdes, s’étire entre les cyprès et les cigales. Et là, à l’orée de Ramatuelle, un écrin se dévoile : Kinugawa.

C’est notre première fois ici. À trois. Nous, deux amoureux de toujours, et notre fille, trois ans, regard écarquillé, robe en lin et sandales en bataille. L’enfant ne sait pas encore ce que signifie un grand repas. Mais elle comprend déjà ce qu’est un lieu qui apaise. L’entrée de Kinugawa est un murmure : pas d’enseigne tapageuse, mais une architecture mêlant pierre, bois, et transparence. On entre comme on ouvrirait un livre précieux.

L’accueil est feutré, précis, attentif. Des sourires sincères. Des regards qui devancent les besoins. Une table nous attend en terrasse, sous un voile blanc qui flotte paresseusement au-dessus de nos têtes. L’air sent le jasmin, le yuzu, et peut-être le miracle à venir. On nous installe. Un coussin pour l’enfant. Une serviette pliée avec soin. Déjà, tout respire l’élégance du geste juste.

L’envol : quand les saveurs deviennent des vers

Le premier contact n’est pas dans l’assiette. Il est dans l’espace. Dans cette lumière de midi, douce et diffuse, qui glisse sur les couverts mats et les céramiques aux bords irréguliers. Il est dans le bruissement des feuillages et le chant discret d’une playlist japonaise, quelque part entre le zen et le jazz. Il est, surtout, dans la lenteur retrouvée.

Le premier plat arrive comme un haïku : quelques lignes, mais une infinité d’évocations. Sashimi de sériole, vinaigre ponzu, fleurs de shiso. La chair est tendre comme un souvenir. Le ponzu chatouille les papilles. L’enfant regarde, renifle, goûte. Elle fait la moue. Puis sourit. Elle aime. Nous aussi.

Les plats s’enchaînent, légers, poétiques, ciselés comme des estampes. Le black cod caramélisé au miso est un nuage sombre et doré. Fondant, profond, presque charnel. Il évoque à la fois la terre et la mer, le feu et la patience. Il y a aussi les tempuras de légumes – légers comme des bulles – et les gyozas au homard, aussi fins qu’un soupir. À chaque bouchée, un mot naît. On se parle peu. On s’écoute manger. On se regarde. On respire.

Notre fille découvre le riz japonais, moelleux, délicatement vinaigré. Elle le prend avec ses doigts, puis avec une petite cuillère. À chaque grain qu’elle porte à sa bouche, une fierté. Elle vit ce repas avec une intensité que nous ne soupçonnions pas. Elle rit quand la soupe miso arrive dans un petit bol noir qu’elle prend à deux mains. Elle s’y penche comme dans un secret.

L’apogée : un moment suspendu dans la lumière

Le temps semble avoir glissé. Il est déjà plus de quatorze heures, mais personne ne presse. Le personnel, discret, attentif, glisse autour de nous avec cette grâce rare de ceux qui servent l’instant, pas seulement les plats. Ils s’adressent à notre fille avec douceur. Ils lui apportent un petit bol de nouilles soba tièdes, accompagnées de légumes fondants. Elle déguste. Elle apprend.

Puis vient le plat qui scelle notre émotion. Un magret de canard laqué au soja, accompagné d’un écrasé de patates douces à la citronnelle. C’est une étreinte. La viande est d’une tendresse folle. La laque brille comme une laque nippone. La patate douce fond comme un souvenir d’enfance. C’est chaud, doux, réconfortant, mais jamais lourd. Un équilibre parfait, comme une déclaration d’amour.

Nous sommes là, les trois, dans ce lieu hors du temps, où les gestes comptent autant que les mots. Le vent se lève doucement. Le voile au-dessus de nous ondule. Notre fille observe une libellule posée sur le bord de la table. Nous, nous nous tenons la main.

La chute douce : le dessert comme une fin de roman

Le dessert arrive comme un dernier poème. Mochi glacé à la mangue, crémeux au sésame noir, meringue aérienne. La douceur s’invite sans emphase. La mangue est solaire. Le sésame, profond. Notre fille croque dans un mochi. Elle fait de grands yeux, surprise par la texture. Puis elle en redemande. Ce moment, c’est déjà un souvenir.

Le café est servi avec un carré de chocolat au matcha. Amer, puis doux. Une note finale, comme un point à la ligne.

Le départ : un dernier regard, une émotion en poche

On quitte Kinugawa à pas lents. Il est 15h30. La lumière a tourné. La terrasse se vide doucement. Le personnel nous salue avec un sourire franc, sans théâtre. Nous repartons, le cœur plein. Ce n’était pas juste un repas. C’était une traversée. Une lecture. Un moment d’intimité révélée.

Notre fille s’endort dans la voiture quelques minutes plus tard. Un sourire sur les lèvres. Peut-être rêve-t-elle d’un sashimi. Ou d’un mochi. Nous, nous savons que ce déjeuner a tissé un fil de plus entre nous. Un fil de soie, léger, mais indestructible.

Dans la poésie silencieuse de Kinugawa, nous avons retrouvé ce que l’on cherche sans toujours le savoir : une émotion partagée. Un instant à trois. Un art de vivre.


Restaurant Kinugawa Ramatuelle
Chemin de la Quessine, 83350 Ramatuelle, France
📞 +33 4 22 85 88 88
🌐 www.kinugawa-ramatuelle

Vous pourriez également aimer...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *