Un matin de promesse, une route vers l’inconnu
C’était un dimanche pas tout à fait comme les autres. Un matin lavé de toute urgence, où le soleil glissait doucement sur les toits de Saint-Tropez. Nous avions laissé derrière nous le vacarme des habitudes, les miettes du quotidien, les to-do lists jamais achevées. À l’arrière de la voiture, notre fille, trois ans, chantonnait doucement, les yeux pleins d’images à venir. Et nous, deux amoureux complices, redécouvrions le plaisir simple d’une destination partagée : Arcadia, le restaurant du mythique Hôtel Byblos.
Le nom seul évoquait déjà un autre monde. Arcadia… un écho antique, une promesse de beauté pastorale, un lieu suspendu. Nous ne savions pas exactement ce que nous allions trouver, mais le cœur était léger. Un peu comme lorsqu’on ouvre un livre, sans rien connaître de son intrigue, mais certain qu’on va y perdre la notion du temps.
À l’entrée, un monde se dévoile
Le Byblos apparaît comme un mirage chic, posé entre ciel azur et pins maritimes. Façades ocres, tuiles patinées, patios secrets… C’est un village dans le village. Une respiration méditerranéenne. Arcadia se niche là, comme un jardin caché, ouvert seulement à ceux qui cherchent plus qu’un simple repas.
À peine franchi le seuil, nous sommes happés par une douceur. Celle de l’accueil, d’abord, chaleureux sans ostentation. Puis, celle des lieux : une terrasse enveloppée de végétation, les tables espacées comme pour préserver l’intimité de chaque histoire. Le murmure des fontaines en arrière-plan. Les rayons du soleil filtrés par les branches. Un théâtre de silence et de promesses.
Notre fille est accueillie avec un sourire tendre. Une chaise enfant est déjà là, parfaite, ajustée. Et une attention rare : un petit cahier de coloriage, quelques crayons pastel, un menu pensé pour elle mais digne d’un palais. Elle se sent attendue, importante. Et nous, immédiatement apaisés.
La première bouchée : une entrée en matière poétique
Avant même que les plats arrivent, c’est l’atmosphère qui nous enveloppe. Les nappes sont d’un blanc apaisant, les verres chantent doucement quand on les effleure. Le service est d’une délicatesse invisible : précis mais discret, attentif sans jamais être intrusif. On sent ici le luxe du vrai, celui qui ne s’affiche pas mais se vit.
Un amuse-bouche arrive, tout en légèreté : une mousse d’asperge verte, éclat de citron confit, croustillant de parmesan. La première bouchée est une surprise, un frisson. Ce n’est pas un plat, c’est une invitation à la poésie. Les textures dialoguent, les saveurs se glissent entre les souvenirs. Nous nous regardons, complices. Et notre fille goûte, curieuse, concentrée. Elle aime. Elle dit « encore ». Son appétit devient langage.
Les assiettes : quand la cuisine devient récit
Arrivent ensuite les entrées. Pour moi, un ceviche de dorade royale, relevé de yuzu et de pétales de fleurs. Pour lui, un œuf parfait, coulant, posé sur une purée de petits pois à la menthe, avec des copeaux de jambon ibérique.
Les assiettes sont des tableaux. On hésite avant de plonger la fourchette, comme face à une œuvre d’art. Mais à la première bouchée, le charme agit. Tout est juste, équilibré, vibrant. La dorade est vive, iodée, caressée par l’acidité. L’œuf est une étreinte chaude, douce, profonde.
Et puis le plat de notre fille arrive : un petit filet de sole, purée de patate douce, mini carottes glacées. Elle goûte du bout des lèvres… puis mange avec sérieux. Elle rit, elle savoure. Elle vit son premier vrai repas de grande, dans un lieu où elle a toute sa place.
L’instant suspendu : les plats principaux
Le temps s’étire, mais ne lasse pas. Nous sommes dans un roman d’été, feuilleté lentement, chapitre par chapitre.
Mon plat arrive : un risotto d’épeautre, infusé au bouillon de légumes, couronné de truffe noire. Lui choisit un filet de veau rosé, mousseline de céleri, jus réduit au Porto. Là encore, la cuisine est émotion. Le risotto est une étreinte de terre et d’arôme, la truffe en point d’orgue. Le veau est d’une tendreté presque irréelle, le céleri en contrepoint subtil. Nous ne parlons presque plus. Ou alors avec les yeux.
Notre fille mord dans un petit morceau de veau, curieuse. Et soudain, elle ferme les yeux. Un instant. Comme si elle aussi percevait que quelque chose, ici, est différent. Plus profond.
Une pause fraîcheur, comme un souffle
Avant les douceurs, un interlude : un granité de basilic et citron vert, posé sur un lit de fraises marinées au poivre de Timut. Un souffle de printemps. C’est vif, pur, poétique. On se regarde. On sourit. On sait déjà que ce déjeuner sera un souvenir.
La fin comme un recommencement : les desserts
Le dessert arrive comme une promesse d’enfance retrouvée. Une sphère de chocolat noir, fine comme un murmure, qui fond sous le nappage chaud pour révéler un cœur coulant au praliné. À côté, une quenelle de glace au lait ribot. C’est une expérience sensorielle totale. Un instant de grâce.
Pour lui, un soufflé à la fleur d’oranger, léger comme une brise de Méditerranée. Et pour notre fille, une coupe de fraises, chantilly maison, mini madeleines tièdes. Elle rit. Elle trempe ses doigts. Elle goûte avec l’enthousiasme d’un premier baiser sucré.
Après le repas : ce que la mémoire retient
Le café est servi avec une dernière touche de magie : mini financiers au citron, guimauves maison, et un sourire complice du serveur. Mais le temps n’a plus d’importance. Nous restons là, longtemps. À savourer, à parler, à ne rien dire.
Le soleil descend doucement. Les ombres s’étirent sur les pierres chaudes. Et nous savons que ce moment restera. Gravé. Comme une scène de roman, comme une page qu’on ne tourne pas.
Arcadia ne fut pas simplement un repas. Ce fut une expérience. Un conte partagé. Une ode à la douceur, à la lenteur, à l’amour – à trois.
Nous repartons le cœur plein. De goûts, de regards, de rires. Et surtout de ce lien qui, dans la beauté d’un déjeuner, s’est encore resserré.
Restaurant Arcadia (Hôtel Byblos)
Adresse : 20 Avenue Paul Signac, 83990 Saint-Tropez
Téléphone : +33 (0)4 94 56 68 00
Site web : https://www.byblos.com/