Une promenade dans Paris, comme un prélude d’amour
Le Cucina by Alain Ducasse : C’était un dimanche doux, un de ces dimanches où l’air semble plus léger, les rues de Paris plus lentes. Main dans la main, nous marchions. Notre fille, perchée sur les épaules de son père, riait à gorge déployée, ses petites mains caressant le vent. Le Marais s’éveillait doucement autour de nous, et l’hôtel Byblos, écrin discret de raffinement, nous attendait au détour d’une rue tranquille.
À cette heure tendre entre le matin et le midi, l’appel du ventre s’entremêlait à celui du cœur. Nous cherchions plus qu’un repas : un instant suspendu, une table autour de laquelle le quotidien s’efface. C’est ainsi que nous avons poussé la porte de Cucina, cette adresse où Alain Ducasse réinvente l’Italie avec une sensualité élégante.
La première impression : un théâtre d’émotions
Le hall de l’hôtel Byblos est feutré, délicatement parfumé. Une hôtesse au sourire enveloppant nous guide vers le restaurant. La lumière est douce, presque cinématographique. Le bois clair, les touches d’ocre et les banquettes veloutées composent une scène chaleureuse. On se sent immédiatement ailleurs, mais sans jamais perdre pied. Notre fille s’installe entre nous, une chaise haute adaptée, un petit set de table coloré, et déjà, on perçoit cette attention rare portée à l’enfant, considéré ici comme un véritable convive.
La musique, en fond, murmure comme un souvenir heureux. Le regard se perd dans les détails : les couverts élégamment posés, les bouquets discrets, les murs ornés de miroirs patinés qui captent les gestes, les sourires. Et puis, cette lenteur délicieuse du service. On ne se sent pas attendus. On est accueillis.
L’entrée : quand les souvenirs se mettent à table
Le serveur s’approche, discret, attentif. Il nous propose un verre de vin blanc, minéral et floral, choisi avec soin pour accompagner l’instant. Notre fille, quant à elle, se régale déjà d’un petit pain encore tiède, croustillant à l’extérieur, nuageux à l’intérieur. Elle rit en voyant le beurre s’étaler, maladroitement, sous ses petits doigts.
Le premier plat arrive. Un carpaccio de bar, mariné au citron de Sicile, parsemé de copeaux de fenouil croquant et de quelques perles de citron caviar. À la première bouchée, c’est l’Italie qui s’invite. Une Italie fraîche, iodée, pleine de lumière. Nos regards se croisent. On ne dit rien. On se comprend. La douceur du poisson fond sur la langue. Notre fille, intriguée, goûte du bout des lèvres. Puis redemande. Encore. Elle aussi voyage.
Le cœur du repas : une ode à la terre, à la mer, à l’amour
Les plats défilent, comme des chapitres d’un roman amoureux. Les rigatoni à la truffe d’été, dans une sauce fondante au parmesan affiné, ont la volupté des plats qu’on n’oublie pas. Chaque bouchée est une déclaration. Il y a du cœur, du corps, et cette générosité typiquement italienne, que la main de Ducasse sublime sans jamais trahir.
Notre fille, les yeux brillants, s’émerveille de tout. Elle pioche dans nos assiettes, découvre la texture fondante d’une aubergine confite, la douceur d’un coulis de tomate ancienne. Elle mange avec ses doigts, parfois. Elle rit, souvent. Elle apprend, elle goûte, elle vit.
Puis vient un plat de poisson : un turbot rôti, posé sur un lit de légumes oubliés, nappé d’un jus au citron confit et huile d’olive. Une harmonie. Rien de clinquant, mais tout est juste. Le croquant des légumes, la chair nacrée du poisson, le parfum du citron… C’est un paysage que l’on explore les yeux fermés.
Et toujours, ce service discret mais présent. On nous demande si tout va bien, sans insistance. On apporte une petite assiette adaptée à notre fille, avec un mini risotto crémeux. Elle se sent grande. Nous, émus.
L’instant suspendu : comme un poème à trois voix
Entre les plats, nous prenons le temps. Le regard se perd dans la décoration inspirée des trattorias italiennes chic. On parle peu. On se sourit beaucoup. Le temps semble figé, comme dans ces tableaux où la lumière ne bouge plus.
Arrive une surprise du chef : une mini burrata fumée, servie avec une goutte de miel et une larme de vinaigre balsamique de Modène. Petite, mais puissante. Notre fille, soudain silencieuse, la goûte. Son visage s’illumine. Un éclat de surprise, une curiosité nouvelle. Elle découvre ce que nous cherchions à lui transmettre : que la cuisine, quand elle est juste, devient langage. Une forme de poésie.
Les douceurs : comme un retour en enfance
Puis vient le moment tant attendu des desserts. Un tiramisu revisité, léger comme un souffle, avec des biscuits imbibés d’un café doux et une mousse au mascarpone fouettée comme un nuage. Et aussi, pour notre fille, une petite coupe de glace vanille, décorée d’un fin biscuit au beurre. Elle s’en régale, les joues pleines, les yeux pétillants.
Mon dessert : une panna cotta au lait d’amande, surmontée de fruits rouges macérés. La douceur lactée de la crème, la vivacité des fruits, la fraîcheur du basilic. C’est un équilibre parfait. À cet instant précis, je ne pense plus à rien. Je suis là. Entièrement.
Nous trinquons à notre bonheur. À cette pause dans le tumulte. À cet instant rare où l’amour se mange à la petite cuillère.
Après le repas : flâner, remercier, se souvenir
Le café est servi avec une mignardise inattendue : un mini-cannolo croustillant, farci d’une crème de ricotta au zeste d’orange. Juste ce qu’il faut pour prolonger la magie.
Nous ne voulons plus partir. Mais la vie nous attend, dehors. Nous remercions chaleureusement l’équipe, sincèrement. Le chef passe en salle, un sourire simple, généreux. Il salue notre fille, s’agenouille à sa hauteur. Elle lui tend la main, il la serre doucement. Un geste. Un souvenir.
En sortant, la lumière parisienne nous aveugle un instant. Mais nos cœurs, eux, voient plus clair que jamais. Nous venons de vivre un repas d’amour. D’amour pour la cuisine, d’amour pour l’enfance, d’amour tout court.
Nous remontons la rue, lentement. Notre fille s’endort dans les bras de son père. Je les regarde. Et je sais que ce déjeuner, au fond, restera dans nos vies comme un poème gravé dans le marbre.
Cucina by Alain Ducasse
Hôtel Byblos
3 Rue François 1er, 75008 Paris, France
📞 +33 1 58 00 22 11
🌐 www.alainducasse-restaurant.com/fr/restaurant