Régis & Jacques Marcon
3 étoiles DESTINATIONS FRANCE GASTRONOMIE RESTAURANT ÉTOILÉ Saint-Bonnet-le-Froid

À table, dans le silence des monts : une odyssée familiale chez Régis & Jacques Marcon

Un voyage vers la lumière

Il y a des lieux qui n’attendent pas qu’on les trouve. Ils se laissent approcher. Lentement. Comme un secret que l’on mérite. Nous partions en famille, main dans la main, à travers les forêts du Velay, laissant derrière nous les tracas de la ville, la poussière des jours pressés. Une échappée à trois : deux amants et leur enfant, dans cette parenthèse entre ciel et terre qu’est Saint-Bonnet-le-Froid. Et nous voilà chez Régis & Jacques Marcon

Sur la route, les arbres s’épaississent, la brume se glisse entre les troncs, les hauteurs s’invitent à l’horizon. Et puis, tout à coup, le silence. Celui de la montagne. Celui du sacré.

Nous arrivons au sommet, là où le ciel semble plus vaste. Le restaurant Régis & Jacques Marcon se dévoile, paisible, comme un refuge. Il est bâti dans la pierre et la lumière. Il ne s’impose pas : il épouse. Il épouse la nature, les saisons, le vent. Et déjà, quelque chose en nous s’ouvre.

L’accueil : une tendresse discrète

À peine la porte franchie, une chaleur douce nous enveloppe. Ce n’est pas seulement la température – c’est une présence. Les regards sont calmes, les gestes précis, l’attention immense. On nous reçoit avec une délicatesse rare, comme si nous étions les seuls au monde à devoir être là, maintenant.

Notre enfant est accueilli comme un convive à part entière. Une table ajustée, une vaisselle choisie, un clin d’œil complice du serveur. Ici, même les tout-petits ont droit à l’émerveillement.

L’installation est un rituel. On s’assoit, lentement. On respire. Le monde extérieur a disparu.

La mise en bouche : murmures de forêt

Les premières assiettes arrivent, discrètes, presque timides. Une déclinaison autour des champignons, cueillis le matin même. Trompettes de la mort, girolles, cèpes – un échantillon du sous-bois dans une porcelaine fine. Les textures se répondent, les arômes s’élèvent.

Il y a dans cette entrée une musique. Celle du sol, du temps, de la patience. Chaque bouchée est un murmure. On ferme les yeux, on écoute.

Notre enfant, curieux, approche les doigts, puis la bouche. Il goûte. Et il rit. Il comprend, à sa manière. Il n’y a pas besoin de mots, ici. Les sens parlent pour nous.

Le premier mouvement : quand la terre raconte

Le pain, aux céréales anciennes, arrive chaud. Le beurre est onctueux, légèrement fumé, comme s’il portait encore la trace de la braise. Un petit velouté de lentilles vertes du Puy, rehaussé de noisette, suit. Il est dense, enveloppant, presque maternel. C’est une étreinte liquide, une chanson douce.

Puis vient une surprise : un œuf mollet cuit à basse température, posé sur un lit de châtaignes et d’herbes folles. Le jaune coule lentement, caresse la terre. On se regarde. Rien n’est dit, tout est compris.

Le cœur du repas : crescendo d’émotions

L’assiette principale se présente comme un paysage d’automne. Un filet de chevreuil, saisi avec justesse, accompagné d’un jus réduit à l’ail noir. Quelques légumes racines l’entourent – betterave, panais, topinambour – chacun rôti avec amour. Le tout est ponctué d’un crumble de cèpes, comme une pluie d’or forestier.

Ce plat est un poème. Il dit l’amour des saisons, la fidélité à la terre. Il nous lie, lui, elle, l’enfant. Ce repas devient une histoire, notre histoire.

Notre enfant, dans sa chaise, goûte un morceau de carotte confite. Il ferme les yeux. Il mâche lentement. Puis il dit : “Encore.” Et nous rions, le cœur en apesanteur.

Une pause cristalline

Avant la suite, un granité au genièvre, posé sur une compotée de pommes. L’acidité, la fraîcheur, le froid vivifiant. C’est un souffle sur le visage. Un ruisseau en avril. On retrouve un peu de l’enfance en chacun.

Nous échangeons peu. C’est inutile. Chaque instant parle de lui-même.

Le sommet : quand la cuisine devient sacré

Un pigeon d’Anjou, cuit en croûte de cendre, arrive, escorté d’une purée de céleri et d’une farandole de morilles farcies. L’assiette est sombre, mystérieuse. Mais elle éclaire l’âme. Ce plat ne cherche pas à plaire. Il est. Entier. Profond. Vibrant. Il évoque les veillées, les contes, les grands silences de l’hiver.

Nous le partageons à trois. Les couverts deviennent complices. Une cuillère pour toi, une bouchée pour lui, un éclat pour moi. L’amour, c’est aussi cela : se nourrir ensemble.

Les douceurs : le retour au bercail

Le plateau de fromages est un jardin. Saint-Nectaire, bleu d’Auvergne, tome fraîche… tous racontent le Massif Central. Mais c’est une douceur inattendue qui marque la transition : une tuile au foin et à la verveine, aussi fragile qu’un souffle.

Puis vient le dessert : une sphère à la châtaigne et myrtille. Elle s’ouvre sous la cuillère comme une fleur sous la rosée. À l’intérieur, une ganache légère, une mousse aérienne, un soupçon de sapin. C’est un rêve d’enfance en robe de fête.

Notre enfant applaudit. Son rire éclate comme une étoile filante. Le temps s’arrête. Nous sommes bien.

Le café : comme un dernier baiser

Il est servi avec des mignardises fines : un financier au sureau, une truffe au chocolat fumé, une pâte de fruit à la reine des prés. On n’a plus faim, mais ce n’est pas la question. Il s’agit de prolonger. De dire merci. À la vie. À ce moment.

Nous restons là, longtemps. Le regard porté vers les monts du Vivarais, infinis. Les conversations autour s’effacent. Le monde nous laisse en paix.

Après le repas : le retour à soi

Lorsque nous sortons, le vent caresse nos joues. Le paysage a changé de lumière. La brume danse dans les vallées. Nous ne sommes plus tout à fait les mêmes.

Il y a des repas qui nourrissent. D’autres qui guérissent. Celui-ci nous a fait les deux. Il a créé une mémoire. Une cicatrice d’émotion. Il nous a rassemblés autour d’une vérité simple : le bonheur est là, à portée de silence, de cueillette, de flamme douce.

Nous redescendons la montagne, l’âme légère, le cœur battant. Un repas. Un poème. Une ode à la lenteur, au goût, à la famille.

Et cette pensée, comme un mantra : nous reviendrons.


Restaurant Régis & Jacques Marcon
Le Coubladour
43290 Saint-Bonnet-le-Froid
📞 Tél. : +33 4 71 59 93 72
🌐 Site : www.regismarcon.fr

Vous pourriez également aimer...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *