Régis et Jacques Marcon
3 étoiles DESTINATIONS FRANCE GASTRONOMIE RESTAURANT ÉTOILÉ Saint-Bonnet-le-Froid

À l’orée des bois, chez Régis et Jacques Marcon : une ode à l’amour, au goût et à l’enfance

Le voyage commence là où la route s’efface

Un matin d’août, alors que le vent dansait encore sur les feuillages argentés et que le ciel hésitait entre aube et promesse, nous avons pris la route. Non pas celle qui mène seulement à un restaurant Régis et Jacques Marcon, mais celle qui mène à l’essentiel. À l’unisson. À trois.

C’était notre première fois à Saint-Bonnet-le-Froid, ce hameau suspendu entre ciel et terre, où le silence est une langue douce et la forêt, un souffle ancien. Notre fille, du haut de ses 4 ans, regardait le paysage avec des yeux ronds de conte. Et nous, ses parents, la main posée l’un sur l’autre, nous avancions comme en procession vers un lieu sacré de la gastronomie française : la maison de Régis et Jacques Marcon.

Nous étions venus pour déjeuner. Mais en vérité, nous allions vivre une parenthèse. Une offrande. Une poésie en cinq temps, ponctuée de cèpes, de châtaignes et d’émotions à peine dites.

Une arrivée comme un prélude

À l’arrivée, la bâtisse se dévoile, discrète et majestueuse, fondue dans la pierre du pays. Une alliance d’authenticité et d’élégance. On ne pénètre pas chez Marcon comme on entre dans un restaurant. On y entre comme dans un rêve. Ou comme on tourne la première page d’un très beau livre.

L’accueil est doux, feutré, presque ouaté. Un sourire éclaire le visage du maître d’hôtel, et déjà, nous sentons que chaque geste ici est une attention. Une intention.

Notre fille reçoit, elle aussi, une place digne. Non pas une chaise haute rudimentaire, mais un petit trône. Une serviette nouée avec soin. Une carte adaptée à son palais, dessinée avec une tendresse infinie.

Et nous, émus, regardons cette scène comme un tableau. Elle est là, notre famille. À la lisière du monde. Ensemble, prêts à savourer bien plus qu’un repas.

La forêt en ouverture : le murmure des sous-bois

Le premier plat est une invitation sensorielle. Une déclinaison autour des champignons. Trompettes-de-la-mort, girolles, cèpes… servis en textures, en températures, en caresses. Le tout, accompagné d’un bouillon clair à la livèche, aussi pur qu’une source.

C’est un plat qui ne parle pas fort. Il chuchote. Il raconte les bois, les pas lents dans la mousse, les matins de rosée. Notre fille goûte du bout des lèvres, plisse les yeux, puis sourit. Elle aussi entend la forêt.

Nous échangeons des regards complices. C’est ce que nous étions venus chercher : cette capacité à dire l’indicible, à raconter le monde sans un mot.

La montagne au cœur : le souffle des hauteurs

L’entrée suivante est une révélation. Un œuf parfait, blotti dans un nid de lentilles vertes du Puy, escorté de copeaux de truffe d’été et d’un voile de parmesan. La cuillère glisse, la chair tremble, le jaune coule lentement. C’est un moment suspendu.

Le goût est pur, presque monastique. Il n’y a rien de trop. Chaque élément trouve sa place. On dirait une partition bien écrite. Jacques Marcon, chef du présent, semble converser en silence avec son père, maître des bois. Ce plat est leur dialogue. Et nous en sommes les témoins.

À notre table, le calme règne. Même notre fille, d’habitude vive et dispersée, est absorbée. Elle suit la danse des couverts, la lumière sur les verres, les murmures des serveurs. Elle apprend ici une autre forme de langage : celui du beau, du bon, du vrai.

Le grand crescendo : l’hymne au terroir

Le plat principal arrive. C’est un agneau d’exception, élevé sur les hauteurs du Velay, rôti lentement, accompagné d’un jus réduit à la sarriette sauvage, d’une purée de panais, et de quelques cèpes rôtis, comme des notes graves sur une partition en clair-obscur.

Ce plat est une déclaration. Il a l’ampleur d’un poème de Victor Hugo, la précision d’un vers d’Apollinaire. Il dit le lien aux producteurs, au sol, au rythme des saisons. Il dit aussi l’enracinement, la transmission.

Notre fille en goûte un morceau. Puis un autre. Et finit par lécher sa cuillère. Elle s’éveille à la complexité, à la profondeur. Ce repas est un passage. Une initiation.

Et pour nous, parents, c’est une émotion immense : la voir grandir, s’ouvrir, au cœur d’un moment si rare.

La douceur en contrepoint : comme un retour vers l’enfance

Après un granité à la verveine du jardin — une explosion de fraîcheur, de pureté, de silence — vient le dessert. Et quel dessert.

Une sphère de chocolat noir, posée sur une crème légère à la châtaigne, nappée d’un coulis chaud de fruits rouges. À l’instant où le chocolat fond, une cascade de parfums s’élève. Notre fille applaudit. Nous aussi.

C’est un moment de grâce. Le dessert est gourmand, mais jamais lourd. Il parle à nos souvenirs : les marrons glacés de l’hiver, les framboises cueillies en cachette, les tablettes de chocolat partagées en douce.

Le café, enfin, est accompagné d’une farandole de mignardises : petites madeleines tièdes, bonbons au praliné, gelée de gentiane. Notre fille, les yeux brillants, picore, goûte, rit.

Un moment gravé, bien au-delà du repas

Trois heures. Peut-être quatre. Nous n’avons pas vu le temps passer. Ce déjeuner n’était pas un repas. C’était un voyage. Une pièce musicale. Une balade entre l’enfance et l’amour, entre la forêt et le feu, entre l’homme et la terre.

Nous sortons. L’air est plus doux. Le monde est plus lent. Nous marchons en silence. Main dans la main. Loin des urgences. Pleins d’un moment que rien ne pourra effacer.

À l’arrière de la voiture, notre fille s’endort. Son doudou dans les bras. Un peu de chocolat au coin des lèvres. Et dans son sommeil, peut-être, les rêves qu’inspire une grande maison.

Ce que Régis et Jacques Marcon offrent, ce n’est pas seulement une cuisine d’exception. C’est un abri. Une éducation sensorielle. Un art du lien.

Et ce jour-là, à Saint-Bonnet-le-Froid, c’est notre famille qu’ils ont nourrie.


Restaurant Régis & Jacques Marcon
Le Coudert, 43290 Saint-Bonnet-le-Froid, France
📞 +33 (0)4 71 59 93 72
🌐 www.regismarcon.fr

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