La route vers l’épure : une arrivée comme une éclosion
C’est une matinée de juin, douce et satinée, où l’air marin s’entremêle à la promesse d’un instant rare. Le ciel est d’un bleu si net qu’il semble avoir été lavé durant la nuit. Les cigales chantent déjà, ponctuant le silence de leur mélodie familière. Nous quittons le cœur battant de Saint-Tropez, cet écrin éclatant qui pulse d’énergie, pour longer la route des plages, guidés par le murmure du vent et les souvenirs encore tièdes d’étés passés.
Et puis, soudain, elle apparaît. La Cabane Bambou. Lovée dans un écrin de dunes blondes et de pins parasols, elle ne se montre pas, elle se laisse deviner. Cachée derrière les canisses, dans un ballet de lumière filtrée, elle semble sortie d’un songe. Ici, pas de luxe criard. Juste la simplicité du bois, l’élégance du lin, l’authenticité du sable encore frais sous les pieds.
Nous sommes trois : deux amoureux, unis depuis mille soleils, et notre petite fille, éclat de vie au regard curieux. Elle tient nos mains, sautillant entre nos pas. Son rire perce l’air comme une goutte de rosée.
L’accueil : une tendresse discrète
Dès les premiers instants, nous sommes enveloppés d’une attention douce. Une jeune femme au sourire vrai nous salue, et son regard s’attarde tendrement sur notre fille. Une table nous attend, légèrement en retrait, ombragée par une tonnelle de bambou. Quelques rayons passent entre les feuillages, dessinant sur la nappe des éclats mouvants comme des poèmes de lumière.
Une chaise adaptée est déjà là, avec un petit coussin beige. On nous sert de l’eau citronnée, fraîche, parfumée, sans avoir rien demandé. Ici, on anticipe avec le cœur. Notre fille se dresse sur la pointe des pieds, touche le sable du bout des doigts. Elle chuchote, comme si ce lieu sacré méritait le silence.
Le décor : quand la nature épouse l’âme
Rien n’est laissé au hasard, et pourtant tout semble né de la mer elle-même. Des tables en bois brut, des serviettes immaculées roulées comme des coquillages, des fleurs séchées dans des vases en grès. La mer, au loin, scintille. On l’entend plus qu’on ne la voit. Elle est là, comme un souffle, un secret chuchoté à l’oreille.
Autour de nous, des familles, des amis, des âmes seules aussi, tous réunis dans une quiétude rare. Un jeune serveur passe, les pieds nus dans le sable, avec une grâce naturelle. Il nous parle doucement, présente la carte comme on ouvrirait un livre de contes. Tout ici respire la poésie.
Le prélude : éveil des sens et premiers murmures
Un amuse-bouche arrive : une tartine fine de pain aux céréales, garnie de ricotta citronnée, d’une pétale de tomate confite et d’un filet d’huile d’olive de Provence. Une bouchée, et c’est déjà un voyage. Le croquant du pain, le velouté du fromage, la douceur acide de la tomate… Une mer calme dans la bouche. Notre fille goûte, fronce les sourcils, puis esquisse un sourire lumineux. Elle veut « encore ».
Le pain, chaud et croustillant, est servi dans une corbeille en osier. Avec du beurre d’algues, vert tendre, qui sent les embruns. Nos mains se cherchent sur la table. Ce n’est pas un repas, c’est une respiration à trois.
L’envol : des plats comme des haïkus
L’entrée arrive : carpaccio de dorade, zestes de yuzu, baies roses, huile d’argan. La finesse est telle qu’on ose à peine y toucher. Mais à la première bouchée, le cœur bat un peu plus fort. C’est iodé, floral, aérien. On ferme les yeux. On est ailleurs. Peut-être au Japon, peut-être dans une crique secrète. Peut-être juste dans un instant suspendu.
Notre fille observe, silencieuse. Puis, du bout de sa petite cuillère, elle prélève une miette de poisson, le pose sur sa langue. Elle rit. C’est sa manière à elle de dire merci.
Le plat principal est un filet de loup rôti sur peau, accompagné d’un risotto crémeux aux asperges sauvages, et d’une émulsion de citron noir. Le poisson est nacré, la peau d’une perfection croustillante. Le risotto est une caresse, une mer tranquille. Chaque bouchée parle de la Méditerranée, du soleil, du temps pris pour faire bien.
Et nous, entre deux couverts, nous nous regardons. Nous savons que nous vivons là quelque chose de plus grand que nous. Quelque chose que la mer elle-même semble bénir.
La poésie du fruit : un dessert comme une fin d’été
Le dessert est un tableau : une pavlova aux fruits rouges, surmontée d’un nuage de chantilly infusée au basilic. Une explosion de textures, de couleurs, de sensations. Le croquant de la meringue, le moelleux de la crème, l’acidité vive des framboises. Un poème frais et sucré, une page tournée avec grâce.
Notre fille tape dans ses mains. Elle veut « tout goûter ». Nous rions. Elle plonge sa cuillère, maladroite et heureuse, dans le cœur moelleux du dessert. Le sucre lui colle aux lèvres. Elle rayonne.
Le temps étiré : la lenteur comme offrande
Le repas se termine. Pas un mot de trop. Le silence est doux. On nous sert un café, noir, intense, accompagné d’un petit financier tiède à la fleur d’oranger. Nous ne sommes pas pressés. Le temps ici a une autre densité. Il s’épaissit, se love, s’étire.
Autour de nous, les conversations murmurent, les regards se croisent, les enfants jouent dans le sable. La mer continue son chant, régulier et apaisant. Le serveur repasse, propose un petit plaid pour notre fille qui commence à somnoler. Elle s’endort dans nos bras, sa joue contre notre peau, le sable encore sur ses petits orteils.
Partir, mais rester habités
Quand nous quittons la Cabane Bambou, il est presque 16 heures. Le soleil commence à descendre, dorant les dunes d’une lumière d’ambre. Nous marchons lentement, main dans la main, l’âme pleine.
Ce que nous emportons n’est pas un simple souvenir. C’est un poème vécu. Une mélodie de textures, de regards, de saveurs et de silences. C’est une ode au partage. Une page que l’on garde au creux du cœur.
Ici, à Saint-Tropez, à la lisière du monde et du rêve, nous avons découvert bien plus qu’un restaurant. Nous avons touché quelque chose d’essentiel. D’intime. D’inoubliable.
Restaurant Cabane Bambou
Plage de Pampelonne, Route de Bonne Terrasse
83350 Ramatuelle – Saint-Tropez
📞 +33 4 94 79 84 13
🌐 www.cabanebambouplage.com