Christopher Coutanceau – La Rochelle
3 étoiles GASTRONOMIE RESTAURANT ÉTOILÉ

À l’heure bleue, chez Christopher Coutanceau : une odyssée en famille à La Rochelle

Quand le vent de l’Atlantique nous pousse vers l’éveil

Il y’a des instants qui, loin du fracas du monde, se déposent comme une brume douce sur le cœur. Un matin d’été, à La Rochelle, nous avons laissé la voiture sur le port, abandonné les notifications, les emails, les rendez-vous. Avec notre petite fille blottie dans les bras, nous avons marché vers un lieu dont le nom lui-même évoquait déjà le voyage : Christopher Coutanceau. Là, au bord de l’eau, l’adresse semblait flotter entre ciel et mer, suspendue, comme un rêve à peine effleuré.

Dès les premiers pas, la lumière nous enveloppe. Cette lumière si particulière de l’océan, nacrée, mouvante, presque marine. L’air porte les promesses salines du large. Notre fille pointe du doigt les mouettes. Nous, nous nous regardons. On sait déjà que ce déjeuner sera un moment hors du temps.

L’entrée dans un monde de silence et de gestes justes

Derrière une façade élégante mais sans ostentation, le calme nous saisit. L’équipe nous accueille avec cette retenue précieuse, qui dit tout sans rien dire. Une table face à la mer, nappée de blanc, dressée comme un autel discret. On y célèbre ici, non pas la profusion, mais l’épure, la vérité des choses. Notre fille, du haut de ses deux ans, reçoit un accueil comme on en voit rarement : une chaise à sa hauteur, une vaisselle adaptée, et surtout un sourire sincère. Elle est là, pleinement, elle aussi conviée à l’éveil.

Le cliquetis discret des couverts, la caresse feutrée des serviettes de lin, la mer qui respire au loin… L’appétit ne vient pas du ventre ici, mais de l’âme.

Premier frisson : les amuse-bouches comme des éclats de mer

Tout commence sans bruit, par une trilogie d’amuse-bouches : un tartare de dorade à la fleur de sel, une brume d’algue sur un sablé aux coquillages, un velouté de petits pois servi dans un galet évidé. L’enfant goûte du bout des lèvres, s’arrête, nous regarde. Elle sourit. Nous aussi.

Il y a là une évidence : chaque bouchée semble raconter une histoire, un bout d’île, un cri de goéland, un souvenir de pêche à pied. La mer n’est pas simplement présente, elle est l’élément. Elle pulse dans chaque assiette.

L’entrée : un coquillage ouvert sur le monde

L’entrée arrive. C’est une Saint-Jacques, crue, marinée à la verveine et à l’huile d’olive, servie dans sa coquille. Autour, quelques grains de caviar, et un bouillon dashi aux algues. Le tout est posé comme une offrande, humble et sacrée.

Nous goûtons. Il y a ce contraste étonnant entre la douceur crue de la chair et la vibration iodée du bouillon. Le regard de mon compagnon s’allume. C’est bon, mais plus encore : c’est juste. La mer, dans toute sa franchise, vient nous chercher.

Notre fille, curieuse, réclame une perle de caviar. Puis une autre. Elle savoure, lentement, comme si elle comprenait déjà que ce moment était précieux.

Le plat : une émotion en creux de vague

Le silence grandit à notre table. Comme si chaque bouchée avait quelque chose de sacré. Le plat principal arrive : un bar de ligne, cuit sur la peau, accompagné d’un jus réduit de crustacés, et d’une purée d’artichaut aux agrumes. Le poisson, nacré, se laisse effeuiller comme un poème. L’assiette est sobre, tendue, équilibrée.

À la première bouchée, c’est un souffle. Le sel, la terre, le vent, tout s’entrelace. La cuisson est divine, le jus vibrant, profond sans être lourd. Nous échangeons un regard, presque émus. Notre fille tend la main. Elle goûte. Puis ferme les yeux. Et là, dans ce petit visage d’enfant, dans cette expression fugace, nous saisissons que ce repas est un voyage, un passage.

L’interlude : une pause de ciel et de fruit

Avant de poursuivre, un granité au citron noir d’Iran, posé sur une gelée de fenouil. L’acidité réveille. La fraîcheur surprend. C’est une claque douce, une vague froide qui nous prépare à la suite.

Le soleil s’est déplacé sur la nappe. Notre fille dessine du bout de son doigt sur la table. Elle rit. Le temps est suspendu.

Le plat signature : le homard en majesté

Il arrive comme une scène de théâtre : un homard bleu, rôti au beurre noisette, accompagné d’un sabayon aux coraux et d’un risotto aux salicornes. Tout ici célèbre le crustacé, sans en trahir la noblesse.

La texture est parfaite. Le goût est puissant, pur. Le sabayon fond, le risotto croustille légèrement sous la dent. Il y a une évidence dans l’assiette. Une telle sincérité dans la cuisine que l’on se sent accueilli. Comme si l’on revenait chez soi, au bord de la mer, les pieds dans le sable, l’enfance en bandoulière.

Notre fille en goûte un morceau. Elle le mâche lentement. Elle ne dit rien. Puis elle tend la main pour en reprendre. Il n’y a pas de plus bel hommage.

L’avant-dessert : un nuage avant la douceur

Un pré-dessert arrive comme un murmure : granité de pomme verte, mousse au lait ribot, perle de citron confit. C’est aérien, c’est léger. Comme un dernier souffle avant le rêve.

Le dessert : souvenir d’enfance, esquisse d’éternité

Le dessert est une œuvre d’art. Une sphère de sucre soufflé, posée sur une mousse aux fruits rouges, qui s’ouvre à la chaleur d’un coulis de chocolat blanc à la vanille. À l’intérieur, une surprise : des fraises des bois, une gelée de rhubarbe, une touche de menthe sauvage.

Notre fille regarde, fascinée, la sphère se briser doucement sous la louche. Elle applaudit. Puis elle goûte. Et rit. Nous, nous retrouvons un été de notre enfance, les mains tachées de jus de fraise, le cœur battant d’insouciance.

Le café : le dernier pas du voyage

Le café est servi avec des mignardises aussi délicates que des coquillages polis par les vagues : financier au yuzu, guimauve à la lavande, chocolat praliné à la fleur de sel. Nous restons là, longtemps, à regarder la mer, à ne pas vouloir partir.

En quittant le rivage : un souvenir ancré

Nous sortons lentement. Le soleil glisse vers l’horizon. La mer respire encore. Nous marchons en silence vers le port. Notre fille s’est endormie dans les bras. Et nous, remplis d’un bonheur calme, gardons ce déjeuner comme un trésor.

Ce n’était pas un simple repas. C’était une odyssée. Une déclaration d’amour à la mer, au goût, à la vie partagée.


Christopher Coutanceau
3 étoiles Michelin
Plage de la Concurrence, 17000 La Rochelle
📞 +33 5 46 41 48 19
🌐 christophercoutanceau.com

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