Le départ : la promesse d’un ailleurs
La Vague d’Or plus qu’un voyage. C’est une fin d’après-midi claire, douce comme un murmure d’été. Le ciel se colore à peine, oscillant entre l’azur tendre et les ors naissants du couchant. Nous avons quitté la ville, les tracas, les urgences feutrées du quotidien, pour cette échappée. À l’arrière de la voiture, notre enfant regarde les pins défiler, les yeux grands ouverts, déjà happé par le mystère de l’inconnu.
À Saint-Tropez, à la pointe de la presqu’île, le Cheval Blanc se dévoile, élégant, presque discret malgré son prestige. Et là, en son sein, nichée comme un joyau rare : La Vague d’Or, la table trois étoiles du chef Arnaud Donckele.
On ne vient pas ici pour manger. On vient pour se souvenir.
Une arrivée comme un prélude
Nous traversons les jardins méditerranéens où le romarin et le pin parasol composent une partition olfactive. L’air est tiède. L’enfant court sur les dalles de pierre chaude, riant comme s’il savait déjà que ce soir serait exceptionnel.
À l’accueil, un regard, un sourire, une attention. Rien de surjoué, tout est juste. On nous conduit à notre table, sur la terrasse, face à la mer. Une mer calme, presque complice. Un silence habité, ponctué par le cri lointain d’une mouette.
La table est dressée comme un autel à la beauté. Linge immaculé, argenterie lustrée, verrerie d’une finesse rare. Notre fils s’installe sur un coussin moelleux, déjà fasciné par les reflets du soleil sur les verres.
L’ouverture : l’éveil des sens
Les premiers instants sont ceux du silence. Celui qui précède le sublime. Le pain arrive, tiède, croustillant, accompagné d’un beurre aux algues et d’une huile d’olive cueillie au lever du jour. Le petit en prend un morceau, le hume, l’effleure de ses dents, puis sourit. Il aime.
Viennent ensuite les amuse-bouches. Une bouchée de thon rouge mariné, posée sur une tuile au sésame noir. Une infusion de tomates anciennes, servie dans une petite fiole en verre soufflé. Les saveurs dansent. C’est une écriture. Une calligraphie du goût.
On se regarde. On ne parle presque pas. Tout se dit dans les yeux. La mer à notre droite, notre enfant à notre gauche, et au milieu, cette émotion qui monte.
L’entrée : la mer dans l’assiette, le soleil en bouche
L’entrée arrive comme un poème suspendu. Une saint-jacques de plongée, posée sur une nage tiède d’agrumes corses. Autour, une émulsion iodée au fenouil sauvage. C’est une peinture. Chaque bouchée est une marée montante. Douce, salée, mystérieuse. On ferme les yeux.
Notre enfant veut goûter. Une petite bouchée sur sa cuillère. Il fronce les sourcils. Puis rit. C’est nouveau, étrange, mais il y retourne. Il explore. Et déjà, nous savons que ce moment restera.
Le plat principal : l’intensité maîtrisée
Voici le plat central : un loup de Méditerranée en croûte d’herbes, cuit à basse température, servi avec un jus perlé à l’anis étoilé. À ses côtés, une purée d’artichauts violets et un risotto de céleri aux zestes confits.
La cuisson est divine. La chair fond, le croquant des herbes joue sur le palais comme une harpe sur une plage de galets. L’enfant observe, attentif. Il picore, teste, savoure. Ce dîner est une leçon, une ouverture au monde.
Le sommelier propose un blanc du Var, fin, minéral, presque salin. Il épouse chaque plat avec une justesse qui confine à la grâce. Nous portons un toast. À nous. À ce moment. À la vie.
L’instant suspendu : l’interlude sensoriel
Entre deux plats, une infusion glacée au basilic et à la verveine. Un granité d’herbes cueillies le matin même, posé sur un nuage de crème citronnée. C’est un souffle. Une caresse. L’enfant rit en sentant le froid sur sa langue. Il applaudit, spontanément. Et nous, nous redevenons enfants.
La viande : puissance et douceur
Le second plat est une pièce d’agneau de Sisteron, rosée à cœur, escortée d’un jus réduit à la sarriette et d’une purée de pois chiches fumés. La viande se coupe à la cuillère. Les saveurs sont franches, méditerranéennes, enracinées.
Ce plat parle du Sud, de la garrigue, des dîners d’été sous les tonnelles. Il parle aussi de transmission. On tend une petite bouchée à notre fils. Il goûte, mâche lentement. Puis sourit. Il aime.
Le fromage : une escale avant la douceur
Le chariot de fromages arrive, spectaculaire. Tommes corses, brebis affinés, fromages aux herbes de Provence. On choisit un brie truffé pour elle, un chèvre frais pour moi. L’enfant préfère un petit morceau de tomme douce. Il le tient entre ses doigts comme un trésor.
Le pain au levain, légèrement grillé, sublime chaque bouchée. Le serveur raconte les origines des fromages avec une passion simple. On écoute. On apprend. On s’émeut.
Le dessert : un feu d’artifice dans un jardin
Le dessert arrive. Une sphère de sucre soufflé, remplie d’une mousse légère à la fleur d’oranger et d’un coulis de figues rôties. Une tuile au miel de lavande l’accompagne.
La sphère éclate sous la cuillère, révélant son cœur tendre. L’enfant pousse un petit cri de surprise. Il goûte, s’en met plein les joues, rit de bon cœur. Nous, on savoure. Chaque cuillerée est un jardin en été, un souvenir de sieste, une douceur retrouvée.
Le final : la chaleur humaine
Le café est servi avec des mignardises ciselées comme des bijoux. Un praliné au romarin, une pâte de fruit à la mandarine, un petit macaron au safran.
Mais au-delà du café, il y a cette chaleur. Ce service impeccable, jamais pesant. Ces regards attentifs, cette discrétion, cette élégance sans ostentation.
On nous salue avec douceur. On nous souhaite une belle soirée. On nous dit à bientôt, comme à des amis. Notre fils serre la main du maître d’hôtel, solennel, comme pour graver ce moment.
Le retour : emportés par la vague
En sortant, le soleil s’est couché. La mer est d’encre et de velours. Le jardin embaume. Nous marchons lentement, la main dans la main, notre enfant entre nous. Il ne parle pas. Il regarde les étoiles.
Ce dîner ne fut pas seulement un repas. Ce fut une traversée. Un chant d’amour. Un moment suspendu entre ciel et mer, entre passé et avenir. Un cadeau de la vie. À trois.
La Vague d’Or – Cheval Blanc Saint-Tropez
Plage de la Bouillabaisse, 83990 Saint-Tropez
Téléphone : +33 (0)4 94 55 91 00
Site web : www.chevalblanc.com