Le voyage : quand l’île nous appelle doucement
Il y a des lieux que l’on ne choisit pas. Ce sont eux qui nous trouvent, qui nous cueillent, un matin ou un soir, dans un moment de fatigue ou d’ivresse. Cala Comte fut de ceux-là. Une plage parmi les mille visages d’Ibiza, mais qui, pour nous, devint bien plus. Une révélation. Une rencontre. Un poème sans rimes mais plein d’images.
Nous avions quitté la ville tôt, avec cette envie un peu floue de silence, de beauté, de lenteur. Dans la voiture, notre petite fille babillait en regardant le ciel changer. Ibiza défilait comme un songe — les pins tortueux, les maisons cubiques blanchies à la chaux, les collines alanguies. Puis, au détour d’un virage, un éclat. Une lumière presque liquide. Cala Comte était là.
Le premier souffle : le bleu qui s’invite dans les cœurs
L’arrivée se fait en douceur. Le sable est pâle, presque ivoire, et l’eau… l’eau semble irréelle. Turquoise pur, éclats d’azur, variations infinies. Elle n’est pas seulement belle : elle est vivante. Elle bouge, palpite, respire. Notre fille pousse un cri joyeux. Elle court vers la mer comme on court vers une évidence.
Nous marchons pieds nus. Chaque pas est une caresse. Le soleil monte doucement dans le ciel, dorant les rochers qui bordent la crique. Ici, la nature ne se montre pas : elle s’impose sans fracas. Il n’y a pas besoin de parler. Juste regarder. Sentir. Vivre. Notre fille ramasse un coquillage, le colle à son oreille, puis me le tend comme un secret. Elle a déjà compris. Cala Comte est un lieu de murmures.
L’instant suspendu : les bars du bout du monde
À mesure que le soleil grimpe, la plage s’éveille. Quelques familles, des amoureux, des voyageurs solitaires. Et puis, en surplomb, ces terrasses. Ces bars qui n’en sont pas vraiment. Plutôt des refuges de bois flotté et de raphia, ouverts sur l’infini.
Nous nous installons dans l’un d’eux, face à la mer. Une table bancale, deux chaises en osier, un coussin pour notre fille. L’ombre est douce, tamisée par les feuilles d’un palmier penché. La serveuse nous sourit, devine sans poser de questions. Un jus frais pour elle, un verre de rosé pour nous. Le goût est simple, direct. Mais c’est le décor qui sublime tout.
Autour, les conversations sont discrètes. Les regards glissent, s’accrochent, s’évadent. On entend le vent, les rires d’enfants, le cliquetis léger des glaçons. Chaque seconde est un cadeau. Notre fille joue avec sa paille, observe le monde avec ses yeux neufs. Nous, on se regarde. Longtemps. Sans rien dire. Cala Comte fait tomber les barrières. Elle rend les silences féconds.
Le bain : l’union des corps et de la mer
Quand la chaleur devient ronde, nous descendons vers l’eau. Elle est tiède, transparente. D’une douceur presque animale. Nous entrons à trois, main dans la main. Notre fille s’accroche à nous, rit aux éclats. Elle bat des pieds, éclabousse, découvre son corps flottant. Nous la portons, la faisons tournoyer. Chaque rire est une étoile qui tombe dans la mer.
Autour de nous, d’autres familles, d’autres amants. Mais l’espace reste intime. Cala Comte est une plage, oui. Mais surtout une alcôve. Elle protège. Elle enlace. Elle raconte à chacun une histoire unique.
Nous nageons un peu plus loin, laissant les cris derrière. Le silence reprend ses droits. L’eau devient plus fraîche, plus dense. Nous flottons, côte à côte, regardant le ciel sans fin. Je sens sa main dans la mienne. Je sens le monde s’éloigner doucement.
L’or du soir : quand le ciel se met à chanter
Mais c’est à la fin du jour que Cala Comte se livre vraiment. Quand le soleil entame sa descente, lente, majestueuse. Nous remontons vers la terrasse. Le même bar. La même table. Mais tout a changé. L’air est plus doux. Les couleurs deviennent folles. Le ciel flamboie. Rose. Pourpre. Ambre. La mer reflète, absorbe, exulte.
Notre fille s’est endormie, la tête contre ma poitrine. Elle respire lentement, bercée par le rythme tranquille de la lumière. Nous, nous restons là. Silencieux. Submergés. Il y a des couchers de soleil, et puis il y a ceux-ci. Ceux qui vous transforment. Ceux qu’on n’ose pas prendre en photo, de peur de les abîmer.
Le bar sert quelques tapas. Des olives, du fromage, un peu de pain à l’huile. Rien de plus. Et pourtant, c’est un festin. Parce que tout est juste. Parce qu’on est là. Ensemble. Au bon endroit. À l’heure parfaite.
Je regarde son visage dans la lumière dorée. Il est beau, apaisé. Je le connais depuis des années, et pourtant, ce soir, je le redécouvre. Cala Comte est un miroir. Elle révèle. Elle dévoile. Elle nous dit que l’amour, le vrai, celui qui dure, a parfois besoin de silence et de mer.
Le départ : un au revoir qui dure longtemps
La nuit tombe. Lentement. Une étoile, puis deux. Le vent s’est levé. Notre fille dort encore, blottie contre moi. Nous quittons la terrasse à regret. Chaque pas vers la voiture est un arrachement discret. Mais un arrachement doux, comme un livre qu’on referme sans tristesse, parce qu’on sait qu’on pourra y revenir.
Cala Comte nous a offert bien plus qu’un décor. Elle nous a offert un moment. Un instant pur, suspendu, hors du temps. Une page d’album à laquelle on reviendra souvent, en silence, un soir d’hiver ou un matin gris.
Et peut-être, un jour, notre fille reviendra ici. Avec ses propres enfants. Elle leur racontera ce coucher de soleil. Ce rire dans l’eau. Ce pain à l’huile. Et dans leurs yeux brillera la même lumière.
Informations pratiques
Adresse :
Cala Comte (Platja de Comte)
Sant Josep de sa Talaia, Ibiza – Îles Baléares, Espagne
Site officiel :
https://www.ibiza-spotlight.com/