Le Clos des Sens – Annecy-le-Vieux
3 étoiles ANNECY DESTINATIONS FRANCE GASTRONOMIE RESTAURANT ÉTOILÉ

Une parenthèse d’éternité au Clos des Sens : un chant d’amour, de feuillage et de silence

Le voyage commence : une route, un souffle, une promesse

Un matin de mai, entre lac et montagne, nous avons pris la route d’Annecy-le-Vieux, les vitres entrouvertes, laissant l’air printanier danser dans l’habitacle. Notre fille à l’arrière chantonnait doucement, ses doigts dessinant des ronds sur la buée d’une fenêtre. Ce jour-là, nous n’allions pas seulement déjeuner. Nous allions suspendre le temps. Le Clos des Sens nous attendait.

C’était une décision murmurée, une envie née d’un besoin ancien : celui de nous retrouver. Lui, moi, et elle – notre fille, petite lumière rieuse, curieuse du monde. Nous avions entendu parler de ce lieu comme on parle d’un poème rare : avec respect, avec lenteur. Le restaurant se dressait là, au cœur d’un ancien village, entouré d’arbres centenaires et de maisons de pierre. La façade était sobre, élégante, presque méditative. Elle ne criait rien. Elle murmurait tout.

L’accueil : un art subtil, un regard, une main tendue

Dès l’entrée, le silence était devenu une matière, presque palpable. Une musique discrète, quelques notes de bois, de pierre, de feu. Un homme s’est approché, sourire doux, gestes calmes. Il nous a conduits à notre table, près d’une grande baie vitrée qui ouvrait sur un jardin suspendu. Le soleil filtrait à travers les feuillages, projetant sur la table des éclats d’or.

Notre fille a reçu un accueil à sa hauteur : une chaise confortable, un petit bouquet de fleurs posé devant elle, comme un signe de bienvenue. Elle s’est redressée, fière. Elle sentait qu’ici, elle comptait.

Le début du rêve : quand le silence parle et que les mets chantent

Avant même la première bouchée, le lieu avait commencé à nous nourrir. Le bois sous nos pieds, le velouté du lin sur la table, les éclats de verre poli… tout participait d’une même symphonie. Puis vinrent les premiers amuse-bouches. Des feuilles de shiso croustillantes, une infusion glacée de sauge et de mélisse, une perle de féra fumée. Rien d’imposant, mais chaque bouchée ouvrait une porte.

Notre fille observait, intriguée. Elle a tendu la main, a goûté. Ses yeux se sont arrondis. Le goût n’était pas connu. Mais il était doux, il parlait une langue qu’elle comprenait, celle de l’émerveillement.

L’entrée : un jardin dans l’assiette, un tableau qui respire

Puis est arrivée l’entrée : un carpaccio de betterave rouge, vinaigré au serpolet, parsemé de fleurs sauvages et d’herbes de montagne. La couleur vibrait. On aurait cru un tableau de Klimt, aux reflets sang et or. La betterave, fondante, parlait de la terre. Le vinaigre, lui, chantait le vent des cimes.

Nous mangions lentement. Chacun de nous semblait dialoguer avec le plat, comme avec un ancien ami. Notre fille, du bout de sa fourchette, traçait des cercles sur l’assiette, comme si elle voulait en comprendre la géométrie. Elle goûta, ferma les yeux. Et sourit.

L’ascension des sens : quand le feu devient mémoire

Le plat suivant nous fut présenté comme une confidence. Un poisson de lac – l’omble chevalier, saisi à feu vif, sa peau croustillante, posé sur une crème d’oseille sauvage, avec un coulis de cresson et une touche lactée d’amande douce. La cuisson était parfaite. Chaque ingrédient semblait s’être donné la main.

Le chef, Laurent Petit, ne crée pas de simples plats. Il compose des souvenirs. Il prend le feu, l’eau, la plante, le minéral, et en fait un chant. Ce plat-là, nous ne l’avons pas seulement mangé. Nous l’avons vécu.

Notre fille, intriguée, goûta l’oseille. Elle plissa le nez, sourit, puis re-goûta. Le goût acide l’étonnait. Mais il ne la repoussait pas. C’était une conversation nouvelle, entre son palais et la forêt.

Le cœur vibrant : une cuisine du vivant

Le plat principal arriva. Une volaille de Bresse, cuite en basse température, frottée aux herbes et servie avec un jus réduit à la verveine, accompagnée d’un risotto d’épeautre fumé et de jeunes carottes caramélisées. Ce fut un choc doux. La chair fondait sous la lame. Le jus brillait, presque sirupeux. Et la verveine… oh, la verveine : elle dansait, elle portait le plat comme un chant d’été.

Nous nous sommes tus. Parfois, le silence est le seul hommage possible. Notre fille, concentrée, découpait avec sérieux un morceau de carotte. Elle goûtait, avec cette gravité que seuls les enfants peuvent offrir au monde.

Le souffle glacé : une pause en apesanteur

Un granité de mélisse, avec un sirop au pin sylvestre et quelques gouttes d’huile de sapin, fut servi en transition. Ce n’était pas un dessert. C’était une clairière. Une parenthèse. Un instant suspendu, frais comme un matin d’alpage.

Nous avons fermé les yeux. Nous étions ailleurs. Dans une forêt peut-être. Ou dans un souvenir d’enfance que ce goût réveillait sans nommer.

Le final comme un murmure : une douceur lente

Le dessert fut une ode. Une rhubarbe pochée au sucre de bouleau, un nuage de lait fermenté, quelques copeaux de chocolat blanc et des fleurs de bourrache. À la première bouchée, j’ai pensé à ma grand-mère. À son jardin. À ses compotes. C’était tendre. C’était profond. C’était juste.

Notre fille riait. Elle faisait danser sa cuillère dans l’assiette. Elle découvrait la joie douce d’un dessert qui ne cherche pas à éblouir mais à consoler.

Le temps après : un chant au ralenti

Le café nous fut servi sur la terrasse. Le ciel s’ouvrait, lumineux. En contrebas, le lac d’Annecy brillait. Le silence était plein d’oiseaux. Nous avons parlé peu. Nous avons souri beaucoup. Ce repas n’avait pas seulement nourri nos corps. Il avait lavé nos esprits. Il nous avait rassemblés. Nous étions là, ensemble, reliés.

Notre fille, blottie contre moi, s’est endormie. Son souffle lent accompagnait le vent dans les feuilles.

Nous avons remercié. L’équipe, discrète, chaleureuse, précise. Chaque geste, chaque mot avait été une note dans cette partition parfaite. Le Clos des Sens ne sert pas à manger. Il sert à ressentir.

Nous avons quitté les lieux lentement, comme on sort d’un poème.

Et sur le chemin du retour, aucun de nous ne parlait. Pas par lassitude. Mais parce que certaines expériences ne demandent pas de mots. Juste du silence, et du souvenir.


Le Clos des Sens
13 Rue Jean Mermoz
74940 Annecy-le-Vieux
Tél. : +33 4 50 23 07 90
www.closdessens.com

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