Restaurant Guy Lassausaie
GASTRONOMIE

À l’heure du midi, chez Guy Lassausaie : une parenthèse d’émotion à Chasselay

Il y’a des repas qui nourrissent bien plus que le corps. Ils apaisent l’esprit, ouvrent les sens, relient les êtres. Ce déjeuner à Chasselay, dans la maison de Guy Lassausaie, n’était pas qu’une escapade gastronomique. C’était un moment de suspension. Une respiration à trois. Un instant de lumière, comme on en vit peu.

Nous avions laissé derrière nous le tumulte de la ville, la rapidité des agendas, l’empressement des matins pressés. En quittant Lyon, la route devient peu à peu plus verte, plus calme, plus ouverte. Le paysage se détend, les épaules aussi. Et au bout de cette parenthèse champêtre : une façade discrète, presque humble, au cœur de Chasselay. Derrière cette élégance tranquille, une étoile brille, discrète mais assurée.

Nous y arrivons en fin de matinée. Le soleil commence à chauffer les pierres blondes, et l’air sent déjà la promesse d’un repas qui durera. Dès l’entrée, un calme élégant nous enveloppe. L’équipe nous reçoit avec cette attention rare : celle qui précède les mots. On voit à leurs gestes, à leurs regards, qu’ils savent exactement comment recevoir sans en faire trop. On nous installe avec soin. Notre fille, du haut de ses 20 mois, est tout de suite mise à l’aise. Une chaise adaptée, un petit coussin moelleux, un sourire tendre… Elle est là, pleinement, considérée comme une convive à part entière.

Le début : quand le silence s’installe pour laisser parler les sens

Le premier contact n’est pas gustatif. Il est dans l’atmosphère. Dans cette lumière douce qui se diffuse sur la nappe immaculée. Dans le cliquetis discret de l’argenterie. Et surtout, dans la sensation que le temps a ralenti. On respire. Ensemble. Ce déjeuner commence comme une promenade, sans hâte. Un amuse-bouche arrive, et déjà, les textures jouent, les couleurs intriguent. Il y a du croquant, du fondant, une petite acidité en finale. Rien d’exubérant, mais tout est juste.

Le pain est excellent, craquant à souhait, et servi encore tiède. Avec le beurre, légèrement salé, on entre doucement dans le territoire du plaisir simple, maîtrisé. Notre fille picore un morceau, concentrée comme dans un rituel. Elle observe, imite. Elle goûte. Et elle aime.

Guy Lassausaie L’ascension : des plats comme des paysages intérieurs

Puis arrive l’entrée. Une langoustine en cheveux d’ange, posée sur un velouté de carottes au lait de coco, parfumé au basilic thaï. Un tableau. Mais ce n’est pas qu’un effet visuel. Dès la première bouchée, c’est un voyage. Le croustillant des cheveux d’ange répond à la tendresse de la chair. La douceur de la carotte est relevée par une note lointaine, presque mystérieuse. C’est vibrant, joyeux, maîtrisé. Le silence à notre table se remplit de regards.

Suit un plat de poisson : omble chevalier, peau croustillante, sur un coulis de petits pois légèrement anisé, accompagné d’un beurre blanc au caviar. C’est un plat qui sait tout faire. Il rassure, il surprend, il équilibre. À ce moment-là, je me rends compte que je souris sans m’en rendre compte. C’est ça, le pouvoir d’une grande cuisine : elle fait surgir des émotions sans jamais les forcer.

Notre fille, curieuse, veut tout goûter. On lui coupe un petit morceau. Elle le met dans sa bouche avec prudence… puis redemande. Encore et encore. Elle, qui parfois hésite, s’ouvre ici à des saveurs nouvelles. C’est un éveil discret, mais réel.

Puis vient un granité. Fraîcheur du Cerdon, acidité douce du pamplemousse. Une pause poétique. Le genre de plat qui ne nourrit pas le ventre, mais l’âme. On sent que la suite va être plus dense.

Le cœur du repas : l’intensité sans lourdeur

Le pigeon arrive. Cuit au foin, servi avec une émulsion de foie gras, une morille farcie de ses propres cuisses, une purée d’artichaut, un jus réduit. C’est un moment fort. Il y a du fond, de la terre, du cœur. Et pourtant, rien n’est pesant. La cuisson est parfaite. Les saveurs sont concentrées mais lisibles. C’est un plat adulte, complexe, mais qui reste accessible. Il ne cherche pas à impressionner. Il parle. Il dit quelque chose de ce terroir, de ce chef, de cette maison.

À notre table, notre fille joue doucement avec sa cuillère. Elle goûte une purée, puis croque dans un petit morceau de morille. Ce repas, qui aurait pu sembler trop grand pour elle, est en train de devenir une expérience dont elle se souviendra, à sa manière.

La douceur finale : comme un retour au calme

Le fromage est proposé avec délicatesse. Un brie de Meaux truffé. Rien d’autre. Et il n’en faut pas plus. C’est une caresse, une intensité mesurée. Le service nous laisse le temps. On échange, on revient sur les plats, sur ce que chacun a préféré. Elle, la langoustine. Moi, le pigeon. Et notre fille ? Difficile à dire. Peut-être le pain. Ou ce velouté à la carotte, si doux et si étrange à la fois.

Puis arrive le dessert. Une sphère à la framboise, fine et délicate, qui se brise sous la cuillère pour révéler un cœur coulant. À la première bouchée, je retrouve mes 8 ans, dans un jardin d’été. C’est léger, acidulé, parfaitement dosé. Notre fille éclate de rire quand elle voit la sphère s’ouvrir. Elle y plonge sa petite cuillère avec enthousiasme. Elle aussi goûte à cette magie.

Le temps après le repas : celui qu’on n’oublie pas

Le café est servi. Mais on n’est pas pressés. On savoure l’instant. Ce déjeuner a duré près de trois heures. Et pourtant, jamais nous ne l’avons vu passer. Nous sortons lentement, salués avec gentillesse par toute l’équipe. Il y a dans ce lieu une chaleur rare. Une humilité précieuse. Une excellence sans arrogance.

Dehors, la lumière a changé. Il est presque 15 heures. Chasselay s’étire sous un ciel clair. Nous remontons en voiture, le cœur rempli. Pas seulement de mets. Mais d’un moment partagé, ensemble, à trois. Dans ce que la gastronomie peut offrir de plus beau : du lien, de l’émotion, du souvenir.

Pour plus d’avis sur ce restaurant, visitez cette page : Restaurant Guy Lassausaie
1 rue de Belle-Sise, 69380 Chasselay
Tél. : +33 4 78 47 62 59

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